Une collaboration entre l’université de Poitiers, le CNRS et le CHU vient de déboucher sur la création de molécules intelligentes susceptibles d’améliorer la prise en charge de patients atteints de cancers du colon, du sein et du pancréas. Les premiers essais cliniques sur l’homme pourraient avoir lieu en 2018.
Chaque année, près de 400 000 personnes sont touchées par un cancer en France. Poumon, prostate, colon, sein… Toutes pathologies confondues, le nombre de tumeurs a doublé entre les années 80 et aujourd’hui, selon l’Institut national de veille sanitaire. Face à ce véritable fléau, les chercheurs s’activent pour développer de nouveaux traitements plus efficients. A Poitiers, l’Institut de chimie des milieux et des matériaux (IC2MP) fait figure d’aiguillon. En 2014, Sébastien Papot s’était distingué en décrochant le prix Pierre Fabre de l’Innovation thérapeutique (cf. n°300).
Trois ans plus tard, il refait parler de lui, toujours pour ses travaux sur l’émergence de molécules intelligentes, capables de détruire les cellules cancéreuses sans affecter les tissus sains. Ses travaux ont été menés au sein de l’équipe pluridisciplinaire « Systèmes moléculaires programmés », à laquelle appartient Jonathan Clarhaut (*), ingénieur de recherche au CHU de Poitiers. De son côté, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a fortement appuyé le projet. Le fruit des recherches communes, et surtout des résultats obtenus, a fait l’objet de plusieurs publications dans « Chemical sciences », la revue mondiale de référence chez les chimistes. « Sur le cancer du pancréas, par exemple, nous sommes arrivés à soigner 20% de souris, alors que celles qui ne sont pas traitées meurent sous vingt jours », illustre Sébastien Papot. Autre exemple sur le cancer du colon. « Notre molécule est deux cents fois plus efficace que le traitement clinique couramment utilisé», dixit Jonathan Clarhaut.
Des royalties attendues
Ces « résultats exceptionnels » -les pré-tests s’avèrent aussi très efficaces sur le cancer du sein triple négatif- ont évidemment suscité l’intérêt du monde de l’industrie pharmaceutique. Dès la fin de l’année 2015, un groupe français a acquis la licence exclusive de la fameuse molécule intelligente. Et les premiers essais cliniques sur l’homme pourraient démarrer dans le courant de l’année 2018. Trois phases sont nécessaires, avant une éventuelle mise sur le marché d’un médicament. « Nous espérons que la phase 1 pourra en partie se dérouler à Poitiers », prolonge Sébastien Papot, qui pense évidemment au Centre d’investigation clinique du CHU de Poitiers comme relais.
Sur le plan financier, la molécule « made in » Poitiers rapportera, dès les premiers essais sur l’homme, des royalties à l’université de Poitiers, aux inventeurs et au CNRS.. En parallèle, Sébastien Papot et son équipe s’apprêtent à créer une Société par actions simplifiées (SAS), qui sera, elle, chargée de commercialiser la technologie du ciblage thérapeutique. Nom de code : Seekyo. A peine créée, la structure compte déjà plusieurs clients. « Mettre KO la tumeur » sans détruire les cellules saines, voilà l’ambition de SeeKyo.
(*) Il travaille au sein de la Direction de la recherche du CHU de Poitiers.