Aujourd'hui
Pascal Audin. 58 ans. Phénomène de l’art brut. Fracassé par la vie et une enfance miséreuse, le Poitevin recolle les morceaux avec la peinture et le dessin. Instinctif et doué de ses mains, il réalise ses œuvres de manière compulsive. Cherche aujourd’hui à sauver son « chez lui », à Gençay.
En morphopsychologie, on estime qu’un front large est synonyme d’intelligence supérieure. Pascal Audin appartient à cette catégorie de personnes dont la « gueule » ne s’oublie pas. Front large donc et nez épaté, il se protège des autres avec une barbe poivre et sel imposante, une toison capillaire du même tonneau et des yeux d’une expression insoupçonnée. « On me dit souvent que je ressemble à Marx. Et c’est vrai, y’a quelque chose !», rigole l’artiste. Son seul capital à lui se trouve sur cette place du Marché, à Gençay, où il a élu domicile, en 2003, après quelques années d’errance. Mais les propriétaires de cet improbable ensemble, qui renferme des milliers de toiles, dessins et autres totems, veulent vendre. Dans quelques semaines, le Poitevin pourrait ainsi se retrouver à la porte de l’ancien local de la maréchaussée, aujourd’hui quasi- insalubre. A moins que la générosité publique(*) ne réunisse les 40 000€ nécessaires à l’achat de « La maison de Pascal Audin ».
« De toute façon, j’vois pas comment je pourrais déménager tout ça... », s’interroge ce grand gaillard au cœur d’éternel enfant. Son monde onirique tient dans ce fatras qui lui sert d’atelier, de lieu d’expo et, accessoirement, de demeure. Il y a là davantage de couleurs que vous ne pourrez jamais en imaginer, des peintures naïves, quasi-enfantines mais expressives, des dessins noir et blanc chiadés, que ce collectionneur invétéré -boules à neige, boîtes à musique...- s’applique à montrer à la face du monde. C’est « sa revanche sur la vie », son moyen d’expurger une enfance sordide. Et le mot est faible.
« De toute façon, j’vois pas comment je pourrais déménager tout ça... », s’interroge ce grand gaillard au cœur d’éternel enfant. Son monde onirique tient dans ce fatras qui lui sert d’atelier, de lieu d’expo et, accessoirement, de demeure. Il y a là davantage de couleurs que vous ne pourrez jamais en imaginer, des peintures naïves, quasi-enfantines mais expressives, des dessins noir et blanc chiadés, que ce collectionneur invétéré -boules à neige, boîtes à musique...- s’applique à montrer à la face du monde. C’est « sa revanche sur la vie », son moyen d’expurger une enfance sordide. Et le mot est faible.
« Là-bas si j’y suis… »
« J’étais ce qu’on appelle un enfant du placard. On me jetait un bout de pain et une gamelle d’eau, pendant que mes frères mangeaient à table un bon steak. J’ai vécu des trucs que personne ne peut imaginer. » Il n’en dira pas beaucoup plus, sans doute par pudeur. Le mal-aimé a traîné dans la rue une paire d’années, s’est réfugié chez sa tante aujourd’hui « là-haut », a passé du temps dans un centre thérapeutique à Châtellerault... Bref, il en a bavé des ronds de chapeaux. Son intelligence est celle du cœur, de l’instinct. A défaut de rouler sur l’or -c’est un euphémisme-, le sculpteur se sert de ses doigts d’argent pour compléter sa propre collection d’art brut. Dans l’une des chroniques «Regards», diffusée la saison dernière dans ces colonnes, Hélène Vignal avait décrit le processus ainsi : « Comme un père parlerait de ses milliers d’enfants, il sait exactement l’âge et l’histoire de chaque pièce qu’il a peinte : une planche, une omoplate de vache, une chaise. Sa mémoire semble infaillible. Il transforme les chagrins d’une vie en couleurs et en lumière. »
« J’voudrais que tout le monde ait une œuvre de moi »
Sur France Inter, Daniel Mermet?lui avait carrément consacré deux émissions à l’été 2008. Il avait posé des mots sur les maux. Exercé une sorte de catharsis radiophonique. Son œil frétille à l’évocation de ce souvenir. Lui-même s’était essayé à décrire sa vie de bohème, la disparition de son fils James, à l’âge de 7 ans, ces coups du sort permanents, son sauf-conduit artistique... Et puis, les six cents pages de son récit se sont envolées en fumée, mises au feu par son auteur himself. Pourquoi ? « Comme ça, je l’ai fait sur l’instant ! » Derrière des œuvres joyeuses et colorées, derrière une bonhomie communicative, derrière des envies d’avenir, Pascal Audin souffre au plus profond. Son cœur est à la fois le meilleur instrument de sa créativité et son pire tourment. Il y a quelques années, il a « failli se foutre en l’air ». La corde était prête et elle n’aurait pas lâché de la poutre. Il a renoncé au dernier moment. « J’voudrais que tout le monde ait une œuvre de moi, même les riches. » Le 1er juillet, Pascal Audin aura 58 ans. Il ne les fait pas. Il ne les fera jamais. Comme si sa vie avait été montée à l’envers.
(*) facebook.com / maisondepascalaudin
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Patricia Thoré, l'amie des bêtes
Patricia Thoré « de la Maraf ». 67 ans. Originaire de Rochefort, arrivée dans la Vienne en 1998. Ancienne militaire de carrière aujourd’hui responsable de la Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, à Salle-en-Toulon. Amie des bêtes et femme de conviction.