mardi 24 décembre
Questions à Jean-Jacques Chavagnat, psychiatre, responsable départemental de la prévention de la dépression et du suicide et de la promotion de la santé mentale.
Le suicide lié au travail est-il un « phénomène » nouveau ?
« Il y a vingt-cinq ans ou trente ans, il était probablement rare. Je dis probablement car il n’y avait pas de statistiques établies à l’époque. Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est qu’il est plus facile pour les spécialistes de déterminer des liens entre l’acte suicidaire et la souffrance au travail. Les facteurs déclenchants sont nombreux. Ils relèvent d’abord d’une dégradation progressive de l’« esprit de corps » dans l’entreprise et du rapport relationnel entre collègues. Et puis, il y a l’organisation même du travail, qui favorise de plus en plus le parcellement et la compétition. Quant aux recours, ils sont devenus difficiles, les syndicats ayant perdu de leur influence. Il y a surtout, très souvent, totale opposition entre l’inscription dans la durée des objectifs personnels de l’employé et la logique de productivité à court terme de l’employeur. »
Les salariés et employés sont-ils des candidats désignés à l’acte suicidaire ?
« Pas forcément. Dans la vie d’une entreprise, les cadres intermédiaires ou supérieurs sont fréquemment exposés à la « placardisation », à l’humiliation et aux propos ambivalents. Dans ces cas-là, ils ne savent plus pourquoi ils travaillent. Cette incompréhension, le sentiment de ne servir à rien conduisent à une culpabilisation parfois fatale. Ce que l’on retrouve d‘ailleurs chez les patrons de petites structures qui se sentent investis de toutes les missions et vivent mal de ne pas se sentir à la hauteur. »
De quels moyens dispose-t-on pour prévenir ces suicides ?
« Le suicide n’est pas une fatalité. Il est l’acte extrême d’un long processus d’usure et de détérioration, qui se manifeste généralement par le repli sur soi, l’isolement et une forme de honte à faire partager son désespoir. Reconnaître les symptômes de ce désespoir n’est pas une chose simple. C’est pourquoi il est essentiel que l’entourage, familial et professionnel, se tienne toujours en éveil et réagisse au plus vite dès que les comportements commencent à changer. Le dialogue est la première planche de salut. Si l’homme ou la femme en détresse ne peuvent eux-mêmes s’y résoudre, leur compagne, compagnon ou ami ne doivent pas hésiter à le provoquer. »
400 cas de suicides par an
En France, on estime à 400 le nombre annuel de cas de suicides liés au travail. Ils touchent majoritairement des hommes, ouvriers ou employés, cadres intermédiaires et cadres supérieurs. Les chefs d’entreprises sont également concernés, mais principalement dans les PME et les TPE . Les « recours » les plus utilisés sont la pendaison, l’arme à feu, la précipitation et la noyade. Si le dialogue avec l’entourage constitue un détonateur, la médecine d’entreprise, le généraliste et les urgences de l’hôpital, qui disposent d’une cellule médico-psychologique, constituent les principaux relais à la prise en charge du désespoir.
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