Carolyn Sageaux : « Les agents 
restent les experts, 
l’IA n’est qu’une aide »

Responsable du service statistiques de France Travail Nouvelle-Aquitaine, Carolyn Sageaux détaille comment l’opérateur public de l’emploi s’approprie l’intelligence artificielle générative au quotidien... et la déploiera demain.

Arnault Varanne

Le7.info

L’intelligence artificielle s’immisce de plus en plus dans le monde du recrutement. Et chez France Travail ?
« Pôle Emploi, à l’époque, a commencé à s’emparer de l’IA en 2018 avec des premiers outils d’aide à la rédaction de mails, de courriers... Nous visions d’abord à faire gagner du temps à nos conseillers. Depuis un an, nous développons des solutions d’IA générative. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de collaborateurs utilisaient ChatGPT. »

Vous avez d’abord développé ChatFT. Quelle est la finalité de cet outil ?
« Dans le cadre de la mise en place de France Travail (le 1er janvier 2024, ndlr), nous nous sommes interrogés sur la meilleure manière de gagner du temps sur certaines activités qui n’ont pas forcément de valeur ajoutée : les synthèses d’entretiens, l’aide à la rédaction de CV pour les demandeurs d’emploi, d’offres pour les entreprises, la production de mails, de documents... ChatFT permet aussi de trouver des idées innovantes pour mettre en place des événements et mieux cibler les invitations. »

« Nos IA respectent le Règlement général sur la protection des données. »

Quels sont les premiers retours des agents de France Travail ?
« Ils ont plutôt bien accueilli ChatFT. Certains utilisaient déjà l’IA, d’autres non, d’où une certaine crainte. Mais après une première phase d’expérimentation dans le Centre-Val de Loire et les Pays-de-la-Loire, environ 30 000 agents utilisent ChatFT, soit la moitié du total des agents de France Travail à l’échelle nationale. Il n’y a pas d’obligation. »


Une autre IA générative est actuellement en phase de test. MatchFT a-t-elle déjà été évaluée ?
« L’idée, avec MatchFT, est d’aider les employeurs à recruter plus rapidement de façon innovante. Concrètement, une entreprise dépose une offre auprès de France Travail. Derrière, nous faisons un travail de préqualification de nos fichiers pour « faire le match » entre l’offre et les demandeurs d’emploi. C’est assez fastidieux. MatchFT permet d’envoyer un SMS à des candidats pour savoir s’ils correspondent bien à cinq prérequis. Une fois les réponses obtenues, le conseiller sait très rapidement combien peuvent prétendre à l’offre. L’évaluation globale de l’expérimentation (87 agences dans deux régions jusqu’à fin mars, ndlr) est en cours, mais on estime à 19 minutes le premier temps de réponse des demandeurs d’emplois et à 50% les mises en relation en moins de 24 heures. »

Comment s’assurer que l’IA ne donne que des informations fiables ?
« France Travail s’est doté en 2021 d’une charte éthique avec des experts internes au réseau et d’autres indépendants. Nos IA respectent tous les principes du Règlement général sur la protection des données. Tous les éléments sont sourcés et vérifiés, il ne peut pas y avoir de dérives. De plus, nous ne sommes pas dans l’obligation mais dans l’incitation. Les agents restent les experts, l’IA n’est qu’une aide qui leur permet de gagner du temps. »

Y a-t-il d’autres initiatives 
en préparation ?
« Nous imaginons d’autres applications possibles comme QualifFT. Les entreprises déposeraient une offre en laissant un message sur un répondeur téléphonique et les demandeurs d’emploi n’auraient plus à déposer un CV selon le même principe. »

Comment les demandeurs d’emploi et les entreprises accueillent-ils ce virage ?
« France Travail informe les demandeurs d’emploi en toute transparence. Et nous souhaitons même les former à l’IA, leur permettre de s’acculturer. Nous avons lancé un programme de formation #Objectif IA qui vise à découvrir une nouveauté chaque jour pendant un mois, comme un calendrier de l’Avent. Ces trente capsules sont réalisées en partenariat avec Microsoft et Kokoroe. France Travail veut former 
300 000 demandeurs d’ici à la fin de l’année. Concernant les recruteurs, ils disposent plus rapidement de profils plus pertinents. »

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