Sébastien Goudeau : « On peut faire bouger les performances intellectuelles »

Maître de conférences en psychologie sociale à l’université de Poitiers, Sébastien Goudeau a co-signé(*) avant l’été L’intelligence, ça s’apprend ?. Les questions de réussite scolaire sont au cœur de la problématique.

Arnault Varanne

Le7.info

Qi, haut potentiel intellectuel... L’intelligence est partout, mais à quoi renvoie-t-elle exactement ?
« Dans le livre, nous revenons justement sur les différentes conceptions du terme d’intelligence, à partir du moment où il a émergé. Au début, l’intelligence était plutôt psychométrique mesurée par des tests. Ils ont eu beaucoup d’implications politiques, notamment aux Etats-Unis. Après, nous montrons que le concept a connu des évolutions, avec les notions d’intelligences plurielle, émotionnelle... On sait depuis plusieurs années que l’intelligence intéresse beaucoup les parents, les enfants et les enseignants. Elle est au cœur de la réussite des individus, donc avant tout scolaire. »


S’apprend-elle ou est-elle innée ?
« Dans la société, l’intelligence est encore perçue comme une caractéristique biologique, fixe. Avec Marie Duru-Bella (professeure de sociologie à l'Institut d'études politiques de Paris, ndlr), nous essayons de démontrer, par des travaux qui ont été réalisés en psychologie sociale, qu’on peut faire bouger les performances intellectuelles, à la hausse ou à la baisse. La sociologie nous montre que les pratiques familiales, éducatives et culturelles notamment, y contribuent. Celles-ci varient en fonction des milieux sociaux et les enfants arrivent inégalement préparés aux apprentissages. »

« L’Ecole ne peut pas tout. »

Donc il n’existe pas de gène de l’intelligence...
« La question est très complexe. S’il y a des bases génétiques, ce n’est pas un gène en particulier mais des milliers. Les écarts de réussite scolaire ne peuvent pas être réduits à des différences génétiques. Les généticiens disent que la seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il existe des pathologies liées à l’apprentissage, qui s’expliquent par des facteurs génétiques. Le poids de la famille dans les apprentissages à l’école est essentiel. »


Le terme de Haut potentiel intellectuel (HPI) est beaucoup utilisé ces dernières années. Ne masque-t-il pas en réalité des difficultés scolaires ?
« Ce qui interroge, c’est qu’il y a des variations sociales très importantes. Les diagnostics de HPI sont beaucoup plus nombreux dans les familles favorisées que dans les familles populaires. Des sociologues pensent qu’il y a des pratiques familiales de construction de la réussite scolaire. Fort heureusement des enfants de milieux populaires réussissent très bien, même si 80% de ceux qui sont orientés en Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire, ndlr) en sont issus. » 


Dans ces conditions, que peut faire l’Ecole pour tenter de corriger ces inégalités ?
« Les enseignants ont la tâche la plus difficile, celle de devoir gérer l’hétérogénéité, les inégalités, qui existent avant même l’entrée à l’école. C’est d’autant plus compliqué avec des classes surchargées. Cela demanderait un travail d’individualisation. L’Ecole ne peut pas tout. »

(*)L’intelligence, ça s’apprend ?, de Marie Duru-Bella et Sébastien Goudeau - UGA Editions
100 pages - 12,50€. Sébastien Goudeau est par ailleurs membre du Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage, CerRCA de l’université de Poitiers/CNRS. L’enseignant-chercheur est aussi directeur du site de Niort de l’Inspé, Institut national supérieur du professorat et de l'éducation. 


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