Matthieu Roy. 43 ans. Metteur en scène. Co-directeur de la Scène Maria Casarès et de la Maison du même nom. Fervent défenseur de la décentralisation théâtrale. Signe particulier : résolument optimiste.
Le rendez-vous est donné rue Carnot, à Poitiers, dans cette ville qu’il ne semble plus vouloir quitter. Après plusieurs années à Lyon, Strasbourg et Paris, Matthieu Roy a choisi la Vienne. Et après tout, quoi de plus naturel pour ce metteur en scène prônant la décentralisation théâtrale ? La Vienne, il connaît pour avoir grandi à Vouillé. Mais « à l’époque, à part sa bataille, il n’y avait pas grand-chose à voir ». Le co-fondateur de la compagnie du Veilleur et co-directeur des Maison et Scène Maria Casarès (rien que ça) y a pourtant fait ses premières armes. « Ce sont des bonnes sœurs qui m’ont fait découvrir le théâtre ! » Le fils d’agent de la SNCF et d’assistante maternelle n’était pourtant pas prédestiné à une carrière artistique. Comme beaucoup d’enfants de milieu rural, Matthieu a découvert le théâtre à l’école et a ainsi fait connaissance avec son destin. Dans le spectacle de fin d’année, pas question pour lui de faire de la figuration. « Je me suis battu pour avoir le premier rôle. » Cette première expérience « assez fondatrice » lui a fait prendre conscience de ses aptitudes, notamment à l’oral. Un déclic.
(Trop) Bon élève
Passant d'un bureau à un autre, moins austère, Matthieu relate son parcours avec méthode et rapidité. « Il a une très grande énergie et a très envie que les choses bougent autour de lui mais il n’est pas toujours facile à suivre. Ça donne parfois le vertige », confie sa compagne, comédienne et co-directrice, Johanna Silberstein. Véritable « fardeau »
avant d’être un don, cette intelligence a bien failli lui coûter son rêve. « Mon problème a toujours été d’être bon en classe »,
déplore-t-il. En 6e, à l’âge où beaucoup d’enfants ignorent encore leur futur métier, Matthieu, lui, sait et l’écrit en lettres capitales : il veut « faire du théâtre ».
Il intègre le club « réservé aux 4e-3e » grâce à une dérogation et poursuit au lycée du Bois d’Amour avec l’option dédiée. Mais à l’époque « les bons élèves doivent aller en filière scientifique ». Alors Matthieu s’adapte à l’injonction et obtient son bac S avec « 19 en maths… et 19 en option théâtre ».
« Il y a toujours une solution
à une équation. »
Après le lycée, il réussit brillamment le concours d’entrée de l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon mais la désillusion est grande.
« J’ai été 10e sur 2 500… et le premier à partir. » L’étudiant ne se voit pas ingénieur et rêve encore et toujours d’une carrière sur les planches. Il prend des risques, sort de ce chemin tout tracé et tâtonne. Optimiste et ambitieux, Matthieu est confiant :
« Il y a toujours une solution à une équation ». Il fait alors ses propres recherches et s’impose. « Quand tu viens de mon milieu, personne ne t’explique ce qu’est la voie vers le théâtre », déplore-t-il. Celui qui a créé sa propre troupe et saisi l’opportunité de monter sur la scène du
« Printemps chapiteau » se fait une raison : il doit aller à Paris pour apprendre le métier. Il y découvre la mise en scène qu’il ne lâchera plus. « Le metteur en scène choisit tout, le texte, l’équipe. Il convainc les gens de soutenir le spectacle… » Le travail parfait pour cet adepte du contrôle en somme. La bonne école sera finalement l'École supérieure d'art dramatique du Théâtre national de Strasbourg (TNS). Enfin professionnel, il adopte son propre style caractérisé par une diction singulière et un son mis en avant. « Je suis né avec un œil qui ne voyait pas. Je pense que j’ai un autre point de vue sur le monde puisque j’entends avant de voir. »
Des textes forts
et engagés
Aujourd’hui, Matthieu Roy met en scène des textes engagés. « Je veux parler de choses importantes aux spectateurs et les textes d’auteurs contemporains me permettent d’allier poésie et politique. Cela doit raconter quelque chose. » En 2016, s’inscrivant encore et toujours « dans le sillon de la décentralisation théâtrale », l’artiste reprend la direction de la Maison Maria Casarès d’Alloue, en Charente, avec sa compagne. Après chaque spectacle, le couple -ils sont parents de deux enfants- propose un temps d’échange convivial (et gourmand !) pour poursuivre la réflexion autour des textes si chers au metteur en scène. Une expérience désormais possible à la Scène Maria Casarès, qui a soufflé sa première bougie vendredi dernier. Où se situe-t-elle ? A Poitiers bien sûr…
Crédit : Christophe Raynaud de Lage