Frédéric Bardeau : « L'IA donne des super pouvoirs »

Cofondateur de Simplon, Frédéric Bardeau forme les plus précaires aux métiers du numérique. L'enfant de Montmorillon est un « entrepreneur social » comme l'écrivait Le 7 en 2018. Six ans et une crise sanitaire plus tard, son ascension continue mais l'IA générative bouleverse les codes.

Lors de notre premier entretien en 2018 (Le 7 n°395), Simplon comptait 140 salariés et venait de former 1 000 personnes sur l'année. Comment l'activité a-t-elle évolué ?
« Simplon est toujours en train de grandir. En France, on est sur un plateau parce que d’autres acteurs sont entrés en jeu. En revanche, nos formations gratuites et de qualité ont trouvé leur place à l’étranger. En 2023, nous avons formé 
7 000 personnes (34 000 depuis la création en 2013), 
50 à 60% en alternance. Simplon emploie 230 salariés pour un chiffre d'affaires de 30M€. »

Votre vocation de former gratuitement les plus précaires aux métiers du numérique a-t-elle changé ?
« Les formations sont toujours gratuites pour l’apprenant. Les financeurs peuvent être France Travail, l’État, les Régions, l’Europe, les entreprises, les fondations… On a toujours des programmes pour les réfugiés, les décrocheurs scolaires, les quartiers. Sans compter les écoles en Afrique. Simplon Foundation finance des bourses d'urgence, des aides à la mobilité... Depuis le Covid, on a développé le téléprésentiel, des classes virtuelles dans lesquelles tout le monde est connecté en même temps avec des formateurs. Ça reste marginal mais ce dispositif permet de toucher de nouveaux publics en zone rurale ou qui ont des problèmes de mobilité. »

Vous formez aussi désormais des salariés en poste. Quel est leur profil ?
« On a commencé à former des salariés qui occupent des postes voués à disparaître sans attendre qu’ils pointent au chômage. A la Poste, on a formé des facteurs, des agents de tri, mais aussi des guichetiers de banque, des hôtesses de caisse. Cette activité monte en puissance. Et puis on lutte aussi contre l'illettrisme numérique qui touche 14 millions de Français. L'exemple classique, c'est l'entreprise qui se dote d'un nouveau logiciel RH avec des bulletins de paye dématérialisés. On sait déjà que 20% des salariés ne sauront pas les récupérer parce qu'ils ne sont pas à l'aise avec ces outils très éloignés de leurs missions quotidiennes. »

Vous parlez beaucoup de l'intelligence artificielle (IA) générative sur les réseaux sociaux et en conférence. Vous vous positionnez parmi les « techno-optimistes ». Quels sont les enjeux ?

« Avec ChatGPT, on a pris une grosse claque. L'IA peut générer des textes, images, sons, tout... Et même du code ! Alors on a changé les référentiels de formation des développeurs qui travaillent déjà différemment. On a aussi créé des formations de techniciens de l'IA à bac+2 et 3 car il n'y a pas besoin que d'ingénieurs ! C'est une vraie lame de fond qui va modifier tous les métiers. Les entreprises doivent s'en saisir. Mais aussi les associations, les services publics pour communiquer avec les publics fragiles. L'IA donne des super pouvoirs à des gens peu qualifiés, étrangers ou avec un handicap. Le rapport Ambition pour la France^(*) préconise de former tout le monde. Simplon s'inscrit dans cette démarche. »

^(*)Retrouvez le lien 
sur gouvernement.fr.

Crédit Thomas Chené pour Apec 2