Aujourd'hui
Sous ses airs de gendre idéal se cache une science aiguë du sarcasme. L’humoriste Haroun se produit dimanche au Palais des congrès du Futuroscope. On a discuté stand-up, philo et réseaux sociaux avec lui.
De quoi parle Seul(s), votre dernier spectacle ?
« Je me suis posé la question de la responsabilité de nos pensées : en avoir de mauvaises fait-il de nous une mauvaise personne pour autant ?
J’ai profité du confinement pour avancer dans des lectures de philosophes -c’est comme une gymnastique littéraire pour moi-, et j’ai remarqué que Nietzsche avait traité de ce sujet. Il y a une résonance avec notre époque car, aujourd’hui, on a tendance à reprocher aux gens de dire tout ce qu’ils pensent sur les réseaux sociaux, à chercher chez eux le petit mot de travers... Il y a une quête de la perfection absolue dans le débat public qui est énervante, qui crispe. Tout cela prend des proportions graves. J’avais envie de rappeler qu’on est tous multiples, que l’on change de personnalité en fonction des circonstances. »
On ne peut plus rire de tout, par exemple ?
« J’estime qu’on a le droit de déranger tant qu’on est bienveillant. Et il est possible de rater une blague, de ne pas être bon un soir, ça arrive ! Je regrette que les humoristes n’aient pas leur place d’humoristes. Il y a une confusion des genres : des gens -politiques notamment- s’improvisent humoristes quand des humoristes se prennent, eux, pour des politiques. Alors que ce n’est pas leur rôle ! Le nôtre est de rester à notre place et de la critiquer au besoin. Je trouve aussi qu’on accorde parfois trop d’importance à ce que disent les humoristes. »
Vous dites notamment faire de l’humour une « arme de réflexion massive »…
« C’est mon credo. J’ai toujours envie de mettre du rire sur ces choses qui nous hantent, pour avoir l’impression que l’humain est plus fort que tout. On a besoin de chasser nos mauvaises pensées. Mais il n’y a pas une seule façon de faire de l’humour. (…) Si je vois la scène comme un espace de débat ? Heureusement que ce n’est pas comme sur Twitter, ce serait impossible sinon ! L’humour, le théâtre, le cinéma… L’art en général permet de regarder les choses sous un nouvel angle, de les dédramatiser et de s’y intéresser différemment. Il met aussi de l’émotion sur des faits. »
Vous vous montrez très critique à l’égard des réseaux sociaux…
« Tout n’est pas à jeter. Les réseaux sociaux permettent une diffusion artistique, de prendre connaissance de ce qui se passe dans le monde… Je sais par exemple que ça rassure les spectateurs avant de venir à mon spectacle. Les gens ne me connaissent quasi exclusivement que par ce moyen car je passe très peu dans les médias traditionnels. »
En 2020, vous avez lancé un site(*) où de jeunes humoristes peuvent se montrer. Il est important pour vous d’accompagner la scène amateur ?
« J’aimerais en faire plus et que le stand-up devienne une discipline comme on enseigne le théâtre. Une ouverture qui permettrait aux gens d’être moins à fleur de peau sur l’humour. C’est un art très exigeant en amont de la scène. J’ai commencé à m’intéresser aux humoristes quand j’ai découvert Coluche, les Deschiens, Poelvoorde, les Inconnus… Des gens qui m’ont inspiré et fait réaliser que l’écriture était au service de l’humour. Les meilleurs maîtrisent le vocabulaire, tous. »
Infos et réservations : Box.fr - 05 55 33 28 16
DR - ZEKZAÀ lire aussi ...