Aujourd'hui
Un récent décret a revu les modalités encadrant le don du corps à des fins d’enseignement médical et de recherche. La démarche devient gratuite et les proches peuvent récupérer les cendres du défunt. De quoi faciliter le travail de deuil. Si tout a bien été anticipé…
Une soixantaine de personnes se sont réunies vendredi dernier devant la tombe du « généreux donateur », dans le cimetière de la Pierre-Levée à Poitiers. Chaque année, peu avant la Toussaint, le centre du don du corps de la faculté de médecine organise une « cérémonie du souvenir » en hommage à tous ceux qui ont décidé de mettre leur enveloppe corporelle au service de la formation des personnels de santé et de la recherche (lire ci-contre). « Mon mari Christophe avait fait ce choix il y a quinze ans, témoigne Monique. En 2020, quelques jours avant sa disparition, il m’a dit que c’était le dernier service qu’il pourrait rendre à la société. » Servir à quelque chose après sa mort, sauver des vies, faire progresser la science… Les motivations des donneurs se ressemblent. Henri n’a pas hésité une seconde quand son épouse est décédée en 2014. Et tant pis si le protocole impose que le corps soit retiré à la famille dans les 48 heures, et dans les faits souvent au cours de la journée qui suit le décès. « C’était son choix et c’est aussi le mien, nous avons accepté. » Si les cendres ont été déposées sous la sépulture de la Pierre-Levée, Henri a fait poser une plaque en l’honneur de son geste sur le caveau familial à Vaux-en-Couhé. « Il n’y a rien là-bas, mais c’est pour la mémoire. »
L’université devra compenser
« J’entends souvent qu’il est difficile de faire son deuil dans ces conditions, c’est pourquoi je conseille vivement aux donneurs d’en parler largement et régulièrement autour d’eux », souligne Jean-Pierre Faure, directeur de l’école de chirurgie et responsable du centre de don du corps de Poitiers. Conscient de ce problème, le législateur a fait évoluer la loi récemment. Un décret du 27 avril 2022 prévoit la désignation d’une « personne référente » garante du respect des volontés du donneur. Une façon d’éviter tout conflit familial. D’autre part, le donneur peut désormais demander que ses cendres soient restituées à ses proches. Une modalité prévoit même que le corps puisse être rendu dans un cercueil fermé. Toutefois, cette disposition risque d’être difficilement applicable. Attention, les frais (urne, transport, cérémonie, inhumation, dispersion…) restent à la charge des proches. « Il faut que le donneur anticipe ce qu’il va se passer après, reprend le Pr Faure. Une chose est sûre, les proches n’ont aucun droit légal sur le corps, ils ne peuvent s’opposer au don. »
Jean-Marc, le fils d’Henri, salue ces évolutions : « C’est une véritable avancée, les familles les réclamaient depuis longtemps. » Tout comme la gratuité. Auparavant, les familles devaient débourser plusieurs centaines d’euros en frais divers. Désormais, donner son corps à la science devient entièrement gratuit si l’on choisit de laisser ses cendres sous la sépulture commune. En contrepartie, l’université de Poitiers va devoir compenser en relevant le budget du centre de don du corps à hauteur d’une dizaine de milliers d’euros chaque année. Le prix à payer pour faire progresser la science.
Nous sommes tous potentiellement donneurs d’organes, sauf à avoir manifesté son opposition sur le site prévu à cet effet. En revanche, donner son corps à la science est une démarche volontaire et personnelle réservée aux personnes majeures. « Les corps (une soixantaine par an, ndlr) sont destinés à la formation des étudiants en santé (médecin, sage-femmes, personnels de bloc opératoire) et des praticiens confirmés, précise le Pr Faure. Notre mot d’ordre, c’est jamais la première fois sur le patient. » La réalité virtuelle n’est pas près de remplacer les manipulations concrètes. « Surtout pour apprendre l’anatomie, il faut la voir en vrai. » A Poitiers, les corps sont même revascularisés grâce au dispositif innovant SimLife.
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