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Depuis un mois, un groupe d’Iraniennes organise à Poitiers des rassemblements réguliers pour soutenir leurs compatriotes en lutte pour améliorer la condition des femmes. Leur objectif ? Alerter la communauté internationale.
En Iran, la mort suspecte de la jeune Mahsa Amini, 22 ans, interpellée par la police des mœurs le 16 septembre a mis le feu aux poudres. Le débat s’est d’abord concentré sur le port du voile puis s’est élargi aux injustices sociales vécues par les femmes sous le régime des mollahs. Quatre semaines plus tard, internet a été coupé et les journalistes étrangers ont été interdits de séjour. Difficile d’obtenir des informations fiables. « Les manifestations continuent, il y en a de plus en plus, tous les jours dans certaines villes », assure Sahar(*). Depuis Poitiers, elle parvient à suivre le mouvement sur les réseaux sociaux et appelle régulièrement ses proches restés dans le pays. « Les artistes et les sportifs, qui gardent le silence d’habitude, soutiennent cette fois la population. » Les médecins et les avocats sont également descendus dans la rue. Elle reste d’ailleurs sans nouvelle de deux anciens collègues interpellés en début de semaine dernière.
Diplômée en droit, la jeune femme est arrivée en France en 2019 car elle ne voulait plus plaider devant les tribunaux pour défendre des règles islamiques auxquelles elle ne croit pas. « Dès que je sortais, je devais être quelqu’un d’autre, changer mes idées, les femmes ne sont pas libres là-bas, elles sont totalement soumises aux hommes. » Malheureusement, son diplôme n’a pas d’équivalence en France. Alors en attendant de pouvoir reprendre des études ici, Sahar gagne sa vie grâce à un job alimentaire. Avec un groupe d’amies, elle a organisé à deux reprises des rassemblements dans le centre-ville de Poitiers pour soutenir ses compatriotes exposées à la répression de la police en Iran. Une façon de braquer tous les projecteurs sur la situation du pays. « Il faut que le monde entende la voix des Iraniens et des Iraniennes », souligne celle qui, dès l’âge de 18 ans, avait diffusé une pétition en faveur du droit des femmes en Iran. En vain.
Monshipour au combat
Sahar préfère garder l’anonymat pour éviter d’éventuelles représailles sur sa famille, ses parents à la retraite, ses frères et sœurs. « Le gouvernement fait peur, notre ennemi est cruel. Quand tu sors pour manifester, tu n’es pas sûre de rentrer. » Elle a trouvé à Poitiers le soutien de dizaines de personnes, à commencer par celui de Mahyar Monshipour. L’ex-champion du monde de boxe d’origine iranienne s’est très vite investi dans le combat. Il utilise sa notoriété pour donner de la visibilité au mouvement. « Je pense à ma maman qui a subi toute sa vie là-bas la double minorité de femme et de kurde, explique-t-il. Je le fais aussi pour ma fille, je ne veux pas qu’un homme lui dise un jour « pourquoi tu t’habilles comme ça ? » ou « qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? ». » Mahyar, Sahar et les autres veulent rester optimistes sur l’issue de la contestation en Iran. « J’ai vécu d’autres manifestations, je suis vraiment surprise cette fois », souligne la jeune femme. Avant de conclure : « Je veux retourner dans mon pays mais il faut d’abord que le gouvernement change. »
(*)Prénom d’emprunt.
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