Hier
Menacée d’expulsion fin 2018, Mercy Okotie, une jeune Nigériane victime de la traite humaine, est l’une des premières femmes à avoir intégré le Parcours de sortie de la prostitution dans la Vienne. Elle entame aujourd’hui une nouvelle vie, loin de son passé.
Son histoire avait défrayé la chronique fin 2018. En essayant d’échapper aux griffes de ses proxénètes, une jeune Nigériane de 23 ans, prisonnière d’un réseau qui l’avait fait passer par la Libye avant d’atterrir sur les trottoirs de Poitiers, avait été interpellée en Dordogne le 10 novembre. Sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire françaisdélivrée par la préfecture de la Vienne, Mercy Okotie avait été placée dans un centre de rétention à Toulouse. Une importante mobilisation -appuyée par une pétition de plus de 6 000 signatures- avait permis d’obtenir sa libération le 23 décembre. Et après ? L’attente. « Une présentation interminable de seize mois à la Commission du Parcours de sortie de la prostitution (PSP), déplore Jean-Michel Bernuchon, du Collectif de soutien aux victimes de la traite humaine. Pour une Nigériane, le PSP se résume à un véritable parcours du combattant. »
Quatre ans plus tard, Mercy, entourée de ses nombreux soutiens, a passé tous les obstacles, y compris les aléas de la période Covid. La jeune femme de 27 ans est désormais installée dans sa nouvelle vie. En janvier dernier, elle a donné naissance à un petit Jason et vient d’emménager avec son compagnon à Bordeaux. « C’est une triste histoire qui se termine bien », observe Jean-Michel Bernuchon.
Résilience
« Ce qui était très compliqué au début, c’était le français, explique Mercy. Aujourd’hui je comprends mieux. » Entrée en juin 2019 dans le Parcours de sortie de la prostitution (six mois renouvelables trois fois) mis en place par la loi Coutelle du 13 avril 2016, Mercy a commencé par apprendre le français avec la Croix-Rouge, la Cimade puis auprès d’Indigo formation, avant de suivre à partir de juin 2021, à l’Afpa de Poitiers, une formation d’un an d’employée d’étage en hôtellerie, en alternance. « Elles ont toutes une sorte de résilience et une vraie envie », commente Mad Joubert, l’une des chevilles ouvrières du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), l’association agréée par l’Etat pour accompagner les PSP. Le défi est d’autant plus grand que la plupart n’ont pas été scolarisées, ou si peu, au Nigéria. Mais Mercy a persévéré et persévère encore. « Je n’ai pas trouvé de place en crèche, explique la jeune maman, alors en attendant je continue d’apprendre le français. Après, je vais chercher du travail. » Côté administratif, elle bénéficie d’un titre de séjour provisoire et avait rendez-vous la semaine dernière à l’ambassade du Nigéria pour son passeport. Les choses suivent donc doucement leur cours.
Mercy est l’une des quatre premières femmes dont le dossier a été présenté à la Commission du PSP dans la Vienne. En 2019, elles étaient cinq, puis deux en 2020, quatre en 2021 et deux en mai dernier. Soit dix-sept jeunes femmes dont certaines ont déjà entamé, comme Mercy, une nouvelle vie, « souvent dans les métiers des soins à la personne, aide-soignante, aide-ménagère… », note Florence Briol, du CIDFF. Avec le soutien d’associations comme les Ami(e)s des Femmes de la Libération ou encore de la police, le Centre continue d’accompagner les victimes de la traite humaine. Mais le délai d’entrée dans le PSP reste long et le parcours jonché d’attentes et de frustrations.
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