Hier
Brian Joubert. 37 ans. Enfant de Poitiers, « la plus belle ville du monde ». Champion du monde de patinage artistique en 2007, aujourd’hui entraîneur au sein du club qui porte son nom. Déterminé et sensible. Passionné de moto et d’animaux.
Lunettes de soleil et casque de moto sous le bras, Brian Joubert arrive tranquillement jusqu’à la terrasse du café, non loin de la place d’Armes. A Poitiers, il est chez lui. « C’est la plus belle ville du monde ! », lâche le champion du monde 2007 de patinage artistique. Même au plus fort de sa carrière, les podiums et les médailles n’ont jamais réussi à éloigner très longtemps l’enfant de Beaulieu de sa ville. « Dans l’avion, je ne pensais qu’à rentrer. » Et que ce soit géographiquement ou professionnellement, Brian, aujourd’hui âgé de 37 ans, a toujours su où il voulait aller. « Tout petit, il s’est tracé un chemin, comme une cartographie de ce qu’il voulait faire, confirme Raymonde, sa mère et soutien de toujours. « Je serai patineur, champion du monde, et j’ouvrirai mon école de glace », lui a-t-il dit, quelques années après avoir chaussé ses premiers patins. « Au départ je voulais faire du hockey, parce que c’était un sport de garçon », sourit-il. Ses deux sœurs, de dix et douze ans ses aînées, faisaient du patinage artistique. Privé d’un rein depuis ses 11 mois à cause d’un vilain staphylocoque, « le petit dernier », « chouchou de la famille » revendiqué, les a suivies sur la glace. Il avait à peine 4 ans.
« La première année, je me roulais par terre, je mangeais la glace ! J’essayais d’aller le plus vite possible et je demandais à ma mère de regarder si mon t-shirt bougeait, se souvient-il. Je voulais toujours sauter le plus haut, aller le plus loin. Le patinage, c’est de la rigueur, se lever tôt, mais je n’ai pas souvenir que cela ait été une contrainte. Mes parents ne m’ont jamais mis la pression. » Brian avait trouvé « son sport », confirme sa mère. Et pas question de le partager. « C’est un sport individuel. Même le patinage en couple, je n’ai pas voulu en faire. Je n’étais pas sûr d’accepter de perdre à cause de quelqu’un d’autre. » La parole est franche, sans fard. On y décèle moins d’orgueil qu’une détermination à toute épreuve, trempée dans l’acier de ses lames. Brian confesse « un caractère assez fort », se dit volontiers « nerveux », « têtu », mais « moins confiant dans la vraie vie que dans le patinage ». Sa vie rêvée devenue réalité.
« On parlait de tout sauf de patins »
A 17 ans, il se hisse pour la première fois sur le podium des championnats d’Europe. Fini le lycée pour celui qui n’avait « jamais été très assidu à l’école ». Le jeune homme vit désormais patinage. « Ado, j’avais même les clefs de la patinoire, s’étonne-t-il encore. A l’époque j’avais peu d’amis mais des vrais, qui comprenaient ma vie. On parlait de tout sauf de patins ! » Rapidement, Brian se met à engranger les performances, chute en 2006 aux Jeux olympiques de Turin pour mieux se relever l’année suivante. Deux mois après son deuxième titre de champion d’Europe (2004, 2007, 2009), il décroche l’or aux Mondiaux de Tokyo. Le moment, unique, est tatoué sur sa peau, la médaille d’or sur sa poitrine, un samouraï -son surnom au Japon- sur son bras gauche. Mais le patineur n’a pas pour autant oublié les émotions de ses débuts. « Quand j’ai découvert des patinoires de 10 000 ou 15 000 personnes, commencé à avoir des fans… Ou encore lors de mes premiers JO, en 2002. J’ai patiné avec mes idoles, Yagudin, Plushenko… ! » Avec la notoriété sont venues les louanges, les critiques, les intrusions dans sa vie privée. « Vivre à Poitiers m’a aidé. C’est un grand village, il n’y a pas de star. Des gens pouvaient venir vers moi et me dire : Brian, tu n’as pas été bon là ! », s’amuse l’ancien champion. Seul l’or des JO lui est resté inaccessible. « J’ai toujours raté ces compétitions, je me mettais trop de pression. Mais j’ai appris de ces échecs et je m’en sers aujourd’hui pour mes élèves. » En 2014, le patineur devenu champion du monde a, comme prévu, raccroché sa tenue d’athlète de haut niveau pour entamer la troisième partie de son programme : entraîneur. Afin d’« éviter une coupure trop brusque », il a d’abord fait des spectacles dans le monde entier, participé à Danse avec les Stars puis, en 2017, brouillé avec le Stade poitevin patinage, il a créé le Brian Joubert Poitiers glace.
Moto et animaux
« La vie d’entraîneur est plus stressante que celle d’athlète », précise-t-il. Comme échappatoire, il a la moto. Il n’a jamais vraiment cessé d’en faire depuis ses 18 ans, même quand ses jambes valaient de l’or. « Je prends les petites routes, sans savoir où je vais. Si j’en faisais en circuit, je sais que je voudrais dépasser mes limites et, forcément, il y aurait des chutes. » Il s’est aussi pris de passion pour les animaux, des chiens, des chats mais aussi des serpents, des perroquets, des tortues qu’il a installés dans son jardin à Saint-Benoît. « Ils m’aident à décompresser », confie le trentenaire qui « déteste lire », va peu au cinéma « sauf quand l’histoire est basée sur des faits réels ». Seule la musique, « parce que c’est en lien avec le sport », trouve grâce à ses yeux. Brian aborde sa vie privée avec la même intransigeance. « Je ne veux pas d’enfant, je ne veux pas me marier et je ne veux pas de vie de couple !, tranche-t-il. Je crois que je suis incapable de voir la même personne tous les jours. » Pour les enfants, la raison est double. Elle trahit à la fois la confiance de l’ancien champion et les incertitudes de l’homme. « Aucun des grands entraîneurs au monde n’a d’enfant. Et puis, je ne sais pas dans quel sens va la société et cela me stresse. »
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