
Hier
Pourquoi cette tournée autour de l’album Ça me vexe, sorti en 2006 ?
« C’est le prolongement logique de sa sortie en vinyle (en novembre 2019, ndlr), que des fans m’avaient demandée. Et puis, il y a des titres dans cet album dont je suis toujours très fière. D’habitude, je n’en joue qu’un ou deux sur scène et je n’avais encore jamais créé d’événement comme ça, autour d’un seul disque. Cela a d’abord été un peu compliqué de le reprendre car ma voix a évolué depuis, j’étais un peu comme une débutante ! (rire) Mais c’est une manière de le réincarner, de le chanter avec la personne que je suis maintenant. Il est marrant de voir que je dédicace un titre comme Crève pour d’autres raisons qu’il y a quinze ans… A l’époque, je la chantais pour des personnes qui sortaient d’une rupture douloureuse comme moi quand je l’ai écrite, et aujourd’hui je la chante pour des personnes victimes de violences. »
La « rage » de ce premier opus est-elle encore en vous ?
« Ce qui m’intéresse, c’est raconter nos tréfonds les plus sombres. Comme dans Jalouse, qui est ma plus belle réussite. La jalousie, même si elle n’est pas maladive chez moi, ça reste un combat intérieur permanent. Avec le temps, on apprend à maîtriser cet état et la rage avec elle. C’est mouvant. Mais le noyau de tout ça, c’est l’énergie. Aujourd’hui, je suis davantage interprète de ces chansons. Sur scène, c’est super pour moi de voir comment les gens les chantent, s’en emparent. On est dans le partage, on se sent tout de suite moins con, moins seul… C’est ça le rock, une libération d’énergies. »
Quand on évoque le rock féminin en France, on ne pense qu’à vous… Qu’est-ce que cela vous inspire ?
« J’en suis contente et très fière, évidemment. Je me sens chanceuse d’être toujours là, d’avoir une fanbase solide… C’est rassurant et même une force. Mais il y a des questions à se poser sur le peu de femmes dans les musiques actuelles. Quand j’étais au conservatoire, il y avait pourtant autant de filles que de garçons. Peut-être qu’il y a une forme d’expression qu’on autorise plus aux hommes, a fortiori dans le rock. Par exemple, je me suis souvent entendu dire « T’es une fille qui en a », « Tu joues bien pour une fille »… Ce n’est jamais méchant mais c’est significatif. Beaucoup de filles ne se sentent pas légitimes dans ce milieu alors qu’elles n’ont pas moins de talent et ont autant le droit que les mecs d’être rageuses, en colère… Et pas hystériques,
les mots aussi sont importants. Tout ça, je le comprends mieux avec quinze années de plus. En France, on est encore en retard là-dessus, c’est un problème politique. »
Vous avez abordé la question de l’identité sexuelle dans vos textes. On imagine que votre présence dans un festival LGBTQ+ n’a rien d’anodine…
« Oui et non. Je ne me dis pas qu’il y a une résonance plus forte à aller sur un festival engagé plutôt qu’ailleurs. Je fais d’abord en sorte de tout donner sur scène et, au mieux, de soutenir les LGBT qui n’ont pas toujours un quotidien facile. Des choses ont évolué et l’on peut bien vivre en étant gay aujourd’hui mais, avec la musique, je veux pouvoir donner du courage à celles et ceux qui souffrent. On parle de cette cause, mais ça peut en concerner plein d’autres. Il se trouve que juste après le Lezart, j’enchaîne sur un festival qui sensibilise aux violences intrafamiliales (le Hope Sound Festival le 28 août à Fleurieux-sur-l’Arbresle, ndlr). C’est un hasard de reprendre la tournée sur deux festivals engagés, mais c’est bien. »
DR - Raphaël Lugassy
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