Benjamin Lavernhe, la tête dans les étoiles

Benjamin Lavernhe. 36 ans. Comédien né à Poitiers. Sociétaire de la Comédie-Française, il se partage entre le théâtre et le cinéma. Fasciné depuis l’enfance par le septième art et ses stars, il multiplie les projets sur grand écran, comme un rêve éveillé.

Steve Henot

Le7.info

Il a beau l’avoir quittée à ses 20 ans, Benjamin Lavernhe reste toujours profondément attaché à Poitiers. L’acteur n’a que peu l’occasion de revenir dans sa ville natale. Le plus souvent, pour y présenter un film dont il est à l’affiche, comme Mon inconnue en 2019 ou Antoinette dans les Cévennes, en septembre dernier. A chaque fois, un moment « émouvant » qui ravive en lui bien des souvenirs. Les bœufs au Pince-Oreille avec son groupe de jazz de l’époque, les matchs de tennis sur les courts de Buxerolles... « Des endroits dont je rêve aujourd’hui, que je revisite dans mes nuits. »

De son propre aveu « nostalgique », l’ancien scout et enfant de chœur n’a pourtant pas beaucoup de temps pour regarder en arrière. Au sortir d’un printemps confiné, il a enchaîné trois tournages et assuré la promotion de deux de ses prochains films. « Il y a une sensation de rush, comme une espèce d’urgence à tourner », observe-t-il. Et pour cause, la crainte d’un nouveau confinement s’est confirmée, le 30 octobre, replongeant l’industrie du 7e art dans un climat d’incertitude. Le théâtre n’est pas épargné. Ce mois-ci, le Poitevin de 36 ans aurait dû fouler les planches du studio Marigny, dans la pièce Les Serge. Ce n’est que partie remise. « Je ne me plains pas, j’ai de la chance, confesse-t-il, à la terrasse du Café des arts. J’ai plein de copains dans le théâtre qui, eux, sont très inquiets pour leur situation. » Depuis sa première apparition au cinéma, en 2012, dans Radiostars -« un petit rôle qui a beaucoup compté »- Benjamin Lavernhe connaît une ascension linéaire. Il est aujourd’hui très demandé. « Les productions s’adaptent à mon emploi du temps, mon nom rassure des distributeurs alors qu’avant, c’est moi qui me battais pour être dans des films. »

Pour l’amour du jeu

Pour en arriver là, il a suivi la « voie royale ». Entré à la classe libre du Cours Florent, où il rencontre son ami Pierre Niney (lequel l’a ensuite lancé dans sa mini-série Casting), puis au Conservatoire national supérieur d’arts dramatiques de Paris en 2008, il intègre la Comédie-Française comme pensionnaire en 2012. Le 1er janvier 2019, il en est devenu le 534e sociétaire, parmi les plus jeunes de la troupe. « Mes parents sont très fiers, ils sont rassurés par l’institution, cette maison qui a une histoire. Mon père m’a prévenu : « Tu ne la quittes pas ! » » De sa découverte du théâtre en 4e, au collège Saint-Stanislas (devenu Isaac de l’Etoile depuis), il n’a fait que « tirer le fil » d’une passion pour le jeu. « S’amuser, se déguiser... Il y a un instinct très basique car c’est naturel de jouer chez l’homme. C’est aussi une vocation mystérieuse, presque mystique, dont on cherche toute sa vie la raison. »

Benjamin Lavernhe aurait pu embrasser une carrière de journaliste, après une formation à l’Institut français de presse (IFP), à Paris. Sa curiosité, il a finalement décidé de la nourrir à travers l’art, comme sa petite sœur (danse) et ses deux frères (musique). « C’est un métier qui me fait voyager, m’intéresser à d’autres choses, explique ce passionné d’astronomie, qui se consacre aussi à l’escalade. C’est un luxe de ne pas choisir. » Des choix, l’acteur en fait pourtant à la lecture des scénarios qu’on lui soumet. « Peu me remuent ou me séduisent, dit-il. Le coup de cœur, c’est assez mystérieux, comment on se sent proche d’un sujet, d’une écriture... J’ai envie de films différents. »

« On a envie d’être aimé »

Benjamin Lavernhe aspire aussi à s’impliquer davantage. « C’est très gratifiant de participer un peu plus à un projet. Pour la série Un entretien, je prends part au casting, je propose un retour détaillé des épisodes... On est un peu plus tête pensante. En tant qu’acteur, on peut avoir le complexe de ne pas être assez acteur, justement. » Il s’épanouit surtout dans le collectif, la troupe. « C’est comme ça que se fait le métier : trouver des gens avec qui on partage le même langage. » Le Poitevin est toujours très curieux de découvrir les films à leur sortie -« parce que j’en ai une sensation sur le tournage »-, mais supporte moins de se voir à l’écran. « Je suis souvent un peu gêné. Mais il faut aussi lâcher prise. C’est comme lorsque ma grand-mère me dit qu’elle se trouve affreuse en photo, alors que moi je la trouve très belle. »

Il insiste sur sa « chance » de faire partie de ce milieu qui l’a longtemps fasciné. Il se souvient avoir tenu, à l’adolescence, un classeur de fiches sur les grands acteurs. Et avoir envoyé une lettre enflammée à Audrey Tautou... comédienne avec laquelle il finira par jouer dans L’Odyssée, de Jérôme Salle. Comme un rêve éveillé. « Je n’en reviens pas d’être de l’autre côté. Quand on me demande des autographes, j’ai l’impression que ce n’est pas sérieux, comme si ma vie devenait un film. Il ne faut pas se prendre au sérieux sinon on pète un câble, on devient une caricature. » Même candeur devant la reconnaissance de ses pairs. Nommé pour la deuxième fois aux César, début mars, il avait illuminé par son énergie une cérémonie plombée par le scandale Polanski. « Je le prends comme une fête. C’est encore du jeu, ça correspond à une part de rêve de ce métier, à la célébration. Un acteur qui pleure, je trouve ça beau, bouleversant. Comme dans le sport, c’est quelque chose qui me touche. » Petit déjà, il aimait faire rire. C’est pourquoi il n’en a pas fini avec la comédie, genre dans lequel il s’est déjà beaucoup exprimé à l’écran. « C’est agréable d’avoir la chance de faire rire les gens. Dans ce métier, on a aussi envie d’être aimé. »

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