Céline Laville : « La vague n’est jamais venue »

Présidente de la Coordination nationale des infirmières, Céline Laville se félicite de la bonne gestion du CHU de Poitiers pendant la crise sanitaire, mais se montre sceptique vis-à-vis du grand plan d’investissement dans l’hôpital public annoncé par Emmanuel Macron.

Arnault Varanne

Le7.info

Globalement, comment jugez-vous la manière dont le CHU de Poitiers a affronté l’épidémie de Covid-19 ? 
« La situation a été très bien gérée. Il y a forcément eu quelques petits couacs compréhensibles dans cette période. J’ai moi-même remercié la direction générale pour le travail fourni. L’hôpital a été entièrement réorganisé dès la première semaine pour libérer des lits et un volume suffisant de soignants. En réanimation, par exemple, il y a une infirmière pour quatre patients. Là, nous sommes passés à une infirmière pour deux patients. »

Aviez-vous des craintes mi-mars, alors que la directrice générale Anne Costa venait d’arriver ? 
« On appréhendait le changement puisque M. Dewitte était là depuis vingt-et-un ans. On ne connaissait pas Mme Costa en dehors de quelques bruits de couloir pas très rassurants. Nous l’avons rencontrée après trois semaines de confinement. C’est quelqu’un d’assez ouvert et à l’écoute. Elle sera toujours très franche dans ses réponses et sans langue de bois. Mais je lui tire mon chapeau sur la gestion de la crise. »

Comment les personnels soignants ont-ils traversé cette crise sanitaire ? 
« Le confinement est intervenu à un moment où on avait très peu de patients Covid, si bien que la vague tant redoutée n’est jamais venue. Les agents ressentent énormément de fierté d’avoir accueilli des patients du Grand-Est et de la région parisienne. Il y a au-delà une fatigue physique mais surtout psychologique. »

Craignez-vous une « deuxième vague » ? 
« Nous la craignons tous. Il faut rester très raisonnable dans ses déplacements et ses contacts sociaux. Il va falloir apprendre à vivre avec ce virus. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin, on ne s’en sortira pas ! »

Y a-t-il eu, comme dans d’autres établissements, un manque de matériels ? 
« Les agents n’en ont pas manqué. Là encore, nous avons bénéficié du retour d’expérience de nos collègues du Grand-Est. Le matériel, notamment les masques, a fait l’objet de rationnements contrôlés mais suffisants. Jamais une infirmière n’a porté un même masque pendant ses 12 heures de garde. »

Le Président de la République a annoncé un grand plan d’investissement dans l’hôpital, le gouvernement des primes pour les soignants (entre 500 et 1 500€). Satisfaite ? 
« Le contentement est mitigé. Il est tout à fait louable de féliciter tous les soignants qui se sont donnés corps et âme. Maintenant, si c’est pour nous dire à l’automne que nous avons eu une prime et qu’il n’y aura pas d’autres mesures, ce n’est pas la peine. On ne connaît absolument pas la nature du plan ni les échéances (quelques annonces ont été faites depuis l’entretien, ndlr). J’espère que cette crise aura ouvert les yeux du gouvernement sur la nécessité de rouvrir des lits et de mettre des soignants en face. Sans compter la question des rémunérations et de l’évolution des carrières. Il faut arrêter de parler de rentabilité à l’hôpital ! »

 

À lire aussi ...