Léa Desandré, 25 ans. Mezzo soprano. Une enfance entre Paris et Châtellerault. Révélation artiste lyrique des Victoires de la musique classique 2017. A le chant chevillé au corps.
Combien de cinéphiles châtelleraudais auront reconnu, lors de la soirée des Victoires de la musique classique 2017, derrière la silhouette gracile de la « Révélation artiste lyrique » de l’année, la petite Parisienne qui rôdait autour du stand de confiseries de l’ancien Ciné A ? Quelques-uns sans doute...
Léa Desandré est née à Paris mais ses vacances, de 8 à 18 ans, ont toutes eu pour décor Châtellerault, le cinéma géré par sa mère, les rues et les quartiers de la ville. Derrière le sourire lumineux de la jeune femme, les souvenirs refluent aisément. De sa voix grave, elle énonce pêle-mêle « la fête foraine », « le boulevard Blossac que nous traversions avec mon cousin pour aller acheter des maxicookies à la boulangerie en face du ciné », « les balades au bord du lac », « Usseau, où mon grand-père avait une maison », « le théâtre avec ma tante »(ndlr, Catherine Morrisson, le 7 n°414)...
Le reste de l’année, Léa Desandré vivait dans les Hauts-de-Seine, à Suresnes où, avant de chanter, elle a d’abord dansé. Pendant de longues années. « A l’époque je faisais beaucoup d’activités physiques, de la danse mais aussi du volley-ball, du tennis, du golf, du handball... » Lorsque sa professeure de musique, au collège de Saint-Cloud, lui a suggéré d’intégrer le Choeur d’enfants de l’Opéra de Paris, la petite Léa a ajouté le chant à ses loisirs. Mais à 12 ans, au moment de pousser la porte de l’école de l’Opéra pour devenir « petit rat », elle a dû choisir, son emploi du temps n’étant pas extensible. « J’ai opté pour le chant, je ne sais pas pourquoi. Au départ, cela ne me plaisait pas plus que ça... Je crois que je me suis dit qu’il serait toujours possible de chanter en intégrant de la danse, mais que le contraire était plus difficile. »
De la danse classique au chant baroque
Dans sa tête trottaient les images de comédies musicales, Mary Poppins, La Comédie du bonheur... La prestation de Natalie Dessay dans Le Miracle d’une voix, captée par hasard à la télévision, a achevé de la convaincre qu’elle avait fait le bon choix. « Elle chantait et elle était en tenue de ballerine. Elle était in-cro-ya-ble, s’émerveille la jeune mezzo soprano, des étoiles dans ses grands yeux bruns. La première fois que je l’ai rencontrée, lors d’une conférence à l’Opéra Bastille, je n’ai fait que pleurer. A l’époque j’étais très timide, mais j’ai toujours eu un rapport franc et simple avec les gens du spectacle, comme si quelque chose nous liait, une sorte d’évidence.... » Face à cette vocation qui s’affirmait, « mes parents ne m’ont posé qu’une condition : avoir le bac ».
La jeune mezzo soprano avait déjà des goûts musicaux très arrêtés, loin des standards pop de sa génération. Après une année de conservatoire à Boulogne-Billancourt, à 17 ans, elle est partie en Erasmus en Italie, pays de ses racines paternelles. Elle devait rester six mois à Venise, elle y a parfait son art pendant deux ans aux côtés de Sara Mingardo, sa « chanteuse préférée », et au gré d’une première tournée internationale. « Je n’allais qu’aux cours de chant, deux jours par semaine. Le reste du temps je le passais à la bibliothèque à chercher dans des manuscrits des airs inconnus de musique baroque, pour les retranscrire. » William Christie ne s’y est pas trompé. Le fondateur des Arts florissants a inscrit la jeune prodige au Jardins des voix, cette académie qui rassemble les futurs grands noms de la musique baroque. « Avec lui, pendant un an et demi, nous avons fait un tour du monde : Hong-Kong, Sydney, Melbourne, Tokyo, Macao... »Deux ans plus tard, la jeune chanteuse recevait le très convoité prix HSBC de l’Académie d’Aix-en-Provence. L’année suivante, elle interprétait l’Alcione de Marin Marais pour la réouverture de l’Opéra-Comique, à Paris. « Mon premier rôle-titre », s’émeut-elle.
Au sein du quatuor Jupiter, créé en juin 2018 par son complice Thomas Dunford (luth), Léa Desandré confie développer « une autre écoute ». Chaque nouvelle partition est l’occasion de travailler et d’explorer davantage son instrument.« Ma voix continue d’évoluer, explique-t-elle, jamais lassée. La musique est une sensation physique. Il faut toujours être en alerte par rapport à ce qui se passe dans notre corps, les vibrations, le souffle et plein de subtilités liées à la forme de la bouche, des joues, à la respiration profonde... C’est toujours surprenant ! »
Afin de renouer avec ses premières amours sportives, la chanteuse lyrique ne rechigne pas à pimenter l’exercice d’une mise à l’épreuve physique. En octobre, dans Orphée et Eurydiceà l’Opéra-Comique, elle n’a pas hésité à apprivoiser une roue Cyr ou à marcher sur les mains des danseurs... Elle nourrit également le doux rêve d’approfondir l’aspect théâtral, avec Eric Ruf, Guillaume Gallienne ou Denis Podalydès. « Cette année, j’ai pris pour la première fois un abonnement à la Comédie française », confie-t-elle. Pour le reste, Léa Desandré « aime manger, marcher dans Paris, déambuler, (s)’arrêter devant un cinéma et aller voir un film, devant un musée et regarder une expo, devant un parc et m’asseoir... » A pied ou en Vélib’.