Aboubacar Fofana : « Etre un peu plus écoutés »

Pour ce troisième épisode de Nos quartiers ont du talent, zoom sur les Trois-Cités, à Poitiers. Du centre socioculturel à l’association des Guinéens, en passant par Territoire zéro chômeur de longue durée, Aboubacar Fofana, 33 ans, est pleinement engagé dans la vie du quartier.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le bénévolat ?

« J’ai toujours aimé aider les autres. Quand je suis arrivé de Guinée à Poitiers, en 2012, j’ai été hébergé chez mon cousin qui vit ici et on m’a proposé d’aller aider au centre socioculturel. Je travaille comme livreur dans une entreprise, mais j’aimerais beaucoup en faire mon métier. J’espère que ça pourra se concrétiser un jour. »

Vous faites partie du groupe Territoire zéro chômeur de longue durée. Quelle est la situation aux Trois-Cités ?

« Il n’y a pas de travail ici. C’est difficile d’élever un enfant si vous travaillez à 50km. Je connais des gens du quartier qui vont à Thouars, même à Nantes et ne rentrent chez eux que le week-end. Je pense que la situation est la même dans plusieurs quartiers. On tente d’expliquer la situation aux élus. Des habitants manquent d’instruction, ne parlent pas bien la langue, et aujourd’hui les recruteurs demandent des diplômes. C’est un gros frein, alors que beaucoup ont accumulé de l’expérience dans des secteurs porteurs. »

En parlant d’instruction, c’est aussi l’un de vos combats auprès des familles du quartier...

« Je suis président de l’association des Guinéens de Poitiers qui organise des événements pour les habitants. On propose de l’aide aux devoirs aux enfants, on aide aussi les mères qui ont du mal à gérer les services administratifs. Je fais aussi de la traduction pour ceux qui ne parlent pas français. En novembre, je vais accompagner deux familles pour leur rendez-vous chez le médecin. De même pour des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, je fais l’interprète. »

Accompagner les enfants vous tient à cœur ?

« Oui. On voit qu’il y a deux clans dans le quartier. Les enfants nés en France d’un côté et ceux nés à l’étranger de l’autre, ils ne se fréquentent pas. On voudrait bénéficier d’un terrain de foot amateur pour réunir ces jeunes autour d’un sport fédérateur. Le terrain actuel est pris par les clubs. »

Vous êtes aussi membre du collectif des livreurs à domicile de Poitiers. Quel est votre rôle ?
« J’aide là aussi à traduire pour ceux qui ont du mal à se faire entendre de leurs employeurs, comme Uber Eats ou Deliveroo. Je fais l’intermédiaire si besoin pour les livreurs non régularisés. On travaille avec la Cimade et la CFDT pour faire valoir leurs droits. En cas de blocage de leur compte, ils n’ont plus de revenus et c’est fait de façon arbitraire. On a aussi demandé un local à la mairie pour qu’ils puissent s’abriter, se reposer et patienter en cas de mauvaise météo, mais ça n’aboutit pas… »

Que faudrait-il améliorer aux Trois-Cités, d’après vous ?
« Je pense qu’il faut revoir la manière de communiquer et de mobiliser les habitants. Distribuer des flyers, ça n’a pas d’écho chez ceux qui ne parlent pas la langue ou qui ne savent pas de quoi il est question. On voudrait être un peu plus écoutés car on connaît bien les problématiques du quartier, parfois on a le sentiment d’en faire plus que les élus alors que c’est leur rôle. »