Hier
Après les meurtres de deux de leurs collègues à Rambouillet et Avignon, les policiers poitevins dénoncent à leur tour une recrudescence des actes ou paroles dirigés contre eux sur le terrain. Le malaise est palpable.
Jeudi 6 mai, 20h aux abords du Leclerc de Poitiers. Un conducteur refuse d’obtempérer et manque de renverser une jeune policière. Légèrement blessée à la main à cause du rétroviseur, la gardienne de la paix est en arrêt maladie depuis. Sous le choc. Le chauffard sera jugé ce mercredi(*) par le tribunal correctionnel de Poitiers. Pascal Maynard sera « très attentif » à la peine dont il écopera. Car le responsable local du syndicat Alliance dénonce « une forme d’impunité ». « Il y a deux ans, un mineur de 17 ans et demi avec des antécédents judiciaires est passé devant le juge des enfants pour outrage et rébellion. La sanction ? Une admonestation et 1€ symbolique de dommages et intérêts. Il est sorti avec le sourire, mes collègues étaient dégoûtés. »
« Pas une journée sans outrages ni rébellions »
Que les policiers soient dans le viseur, plus personne ne le nie, a fortiori après les drames de Rambouillet et d’Avignon, qui ont coûté la vie à deux fonctionnaires. « Le prochain, c’est pour quand ? », soupire Pascal Maynard, un brin fataliste. Alain Pissard dresse le même constat d’une violence exacerbée. « Il n’y a pas une journée sans que mes collègues n’aient à subir des outrages ou des rébellions, assure le secrétaire départemental et régional du syndicat Unité SGP Police-FO. Ça se passe souvent mal sur de simples contrôles, qu’il s’agisse de demander à ce que les individus remettent leur masque ou qu’ils respectent le couvre-feu. » Evidemment, la crise sanitaire qui s’éternise n’arrange rien. Et il n’est plus rare que les patrouilles soient accueillies dans les quartiers de Poitiers et Châtellerault à coup de mortiers et de projectiles divers. « Il y a à la fois de la défiance et une volonté de certaines bandes de protéger leur territoire. Il y a une vraie dégradation ces dernières années », constate un policier sous couvert d’anonymat. Même les interventions sur des conflits de voisinage ou des violences intrafamiliales dégénèrent rapidement.
Des blessures invisibles mais réelles
La Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) tient évidemment les comptes des blessures en service (BS), c’est-à-dire en intervention ou dans le cadre du maintien de l’ordre : 44 en 2019, 39 en 2020 et déjà 14 en 2021. Des chiffres qui traduisent au fond assez mal d’autres types de blessures, psychologiques celles-là. « Invisibles mais à prendre en compte. On a des arrêts pour grande fatigue, pas considérés comme des BS », ajoute Alain Pissard. Les mesures annoncées par le Premier ministre Jean Castex après le meurtre d’Avignon seront-elles suffisantes ? Parmi celles qui ont retenu l’attention, la suppression des rappels à la loi, systématiquement remplacés par des travaux d’intérêt général ou des amendes forfaitaires et, surtout, la mise en place d’un observatoire de la réponse pénale.
« Des rappels à la loi, ça veut dire pas de sanction. Au fil des années, on a délivré une sorte de permis d’insulter les policiers », estime Pascal Maynard. « La justice est comme nous, c’est un parent pauvre en termes de moyens. Il faut qu’ils soient matériels mais aussi réglementaires », conclut Alain Pissard, las des hommages républicains.
(*)Le même jour que la marche nationale orginisée à Paris par les syndicats de policiers.
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