DERRIÈRE LES MURS - Le sport adoucit les mœurs

Que se passe-t-il après l’incarcération ? La rédaction décrit le quotidien des détenus du centre pénitentiaire de Vivonne, qui se reconstruisent une vie derrière les murs. Pour beaucoup d’entre eux, le sport est un moyen de se défouler. C’est aussi un vecteur de valeurs importantes pour leur réinsertion. Fait rare en France, ici certaines disciplines sont mixtes.

Romain Mudrak

Le7.info

Chaque année, c’est un événement. Les détenus, hommes et femmes, du centre de détention de Vivonne courent un vrai marathon de 42,195km, seuls ou en équipe. En septembre dernier, des surveillants et des agents du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) ont aussi pris le départ. « C’est une bonne façon de se voir différemment », apprécie Sonia, éducatrice sportive. Covid-19 oblige, cette édition s’est déroulée en comité restreint autour du stade en gazon synthétique plutôt qu’à l’extérieur des murs. Pas idéal, mais au moins tout le monde était à l’air libre. Et toujours pour la bonne cause, en l’occurrence Les Virades de l’espoir.

La course à pied fait partie des sports préférés des détenus. La palette d’activités proposée est cependant plus large : volley, basket, foot, handball, tennis de table, fitness… Avec la Covid, certaines ont été suspendues, les autres respectent le protocole sanitaire en vigueur. Les détenus disposent de deux créneaux de deux heures par semaine et ont aussi accès à une salle de musculation (fermée depuis mars 2020). De quoi rythmer leurs journées. A 48 ans, José pratique le tennis de table et cherche à « perdre du poids ». Vehad, 
26 ans, pratique la boxe pour « se sentir vivant ». Il aime aller au gymnase mais aussi sur le stade pour « voir le ciel et l’horizon ». Ils sont les bienvenus, quelles que soient leurs motivations. La moitié des détenus pratique un sport, et même plus en dehors des contraintes sanitaires. « Le sport leur permet de se défouler, c’est un peu le thermomètre qui régule le climat de la prison, estime la coach. Certains démarrent une activité pendant leur incarcération et acquièrent une hygiène de vie à l’extérieur. »

Mixité : les mentalités changent

Respect des règles, sens du collectif, partage… Le sport véhicule évidemment des valeurs indispensables à la réinsertion. Et ce n’est pas tout. Ici, plusieurs activités sont mixtes. Depuis un an, des places sont ainsi réservées aux femmes, bien qu’elles soient beaucoup moins nombreuses en détention. « Les mentalités changent, hommes et femmes doivent avoir les mêmes droits à exercer un sport, tranche Sonia, qui connaît les freins de ce genre de dispositifs. « Ailleurs, les collègues sont parfois contre et je les comprends. Le fait d’encadrer des femmes est plus compliqué pour un homme. Et puis, entre détenus, il faut gérer les relations, on ne veut pas de geste déplacé ou de violences verbales… » Pas simple, mais les choses sont claires. Au moindre écart, l’individu est suspendu.

Chaque année, des prisonniers proches de la sortie participent à une sortie nature. La prochaine est prévue pour bientôt (toujours si les conditions sanitaires le permettent). Au programme : VTT, visite d’une bergerie, rencontre avec un maraîcher, découverte de la faune et de la flore locales… « C’est un premier retour à la vie normale qui les prépare à la sortie, surtout en termes d’estime de soi », assure Sonia. Et qui leur donne parfois aussi des idées de réinsertion professionnelle.

BÉNÉVOLAT
Devenez visiteur de prison
Chaque semaine, une quinzaine de bénévoles rencontrent les détenus demandeurs au centre pénitentiaire de Vivonne. « En général, on en voit trois sur une demi-journée, il faut être régulier et disponible car nous sommes attendus avec impatience à chaque fois », raconte Agnès Chauveau. L’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP), qu’elle représente localement, prodigue une écoute bienveillante aux détenus que plus personne ne vient voir, ni famille, ni ami. Parfois les contacts sont interdits, dans d’autres cas, les proches ont préféré prendre de la distance. Les membres de l’ANVP ne connaissent jamais les motifs de l’incarcération. Ils viennent discuter en toute impartialité pour alléger le quotidien des prisonniers. « Quelle que soit la gravité des actes commis, le détenu reste avant tout une personne qui a besoin de relation », estime Agnès Chauveau. Alain est bénévole depuis son départ à la retraite il y a quelques années déjà : « J’ai rencontré un gars fan de basket comme moi, on a parlé du PB86. Je me souviens d’un autre qui avait une culture cinématographique énorme, et d’autres encore qu’il faut aller chercher. Dans les couloirs, on rencontre aussi des avocats, des surveillants, c’est passionnant. » Si vous souhaitez devenir visiteur de prison, rendez-vous sur anvp.org.
INSOLITE
Des brebis autour de la prison
Leur présence peut surprendre... Vous ne le savez peut-être pas, mais depuis un an et demi, dix brebis broutent tranquillement l’herbe du glacis, cet espace sous haute surveillance situé entre les murs d’enceinte et les immenses grillages à l’extérieur du centre pénitentiaire de Vivonne. Leur propriétaire, éleveur à Brion, les loue à Thémis, gestionnaire de l’établissement qui fournit de l’eau et un complément de nourriture si besoin. Leur mission : entretenir le terrain, ce qui évite de mobiliser du personnel et du matériel. L’éleveur s’occupe de la tonte et des traitements, de quoi lui assurer un revenu complémentaire.
crédit photo : ARCHIVES Le 7

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