
Aujourd'hui
Ô temps, suspends ton vol…
L'édito de la semaine est signée Nicolas Boursier.
Le 8 mars, on célébrait la Journée internationale des droits des femmes. Ce jour-là, trois hommes violents ont fait l’objet d’un placement en garde à vue au commissariat de Poitiers, pour des faits de violences conjugales. « On reçoit jusqu’à cinq plaintes par jour... », soupire la brigadière S.T., chargée de recueillir la parole des victimes, de toutes les victimes. « Qui sont de plus en plus jeunes et ne vivent pas forcément en couple. » Dans son bureau anonyme, au deuxième étage du bâtiment, elles sont très nombreuses à se confier sur ce qu’elles viennent de vivre ou subissent depuis des années. « Je me définis comme un caméléon, je crée un climat de confiance, j’écoute, j’encaisse. Psychologiquement, c’est difficile mais elles ont besoin de ça. »
Rien que l’année dernière, la policière et son collègue ont ouvert 300 dossiers, pas que des plaintes mais aussi des mains courantes (hors confinement du printemps). Comme des premières alertes d’une relation qui se dégrade, parfois « sur fond d’alcool ou de stupéfiants ». Arrivée en novembre 2014 à la Direction départementale de la sécurité publique de la Vienne, en provenance de région parisienne, S.T. a un certain recul sur l’évolution des violences faites aux femmes. Et son constat est sans appel. « La parole des femmes s’est libérée, le Grenelle a aidé. » Elle le dit d’ailleurs à toutes ses interlocutrices : « Bravo mesdames, vous êtes courageuses d’oser dire ce que vous subissez, de franchir ce sas pas très accueillant. »
Son quotidien est éprouvant psychologiquement, fait de récits crus, durs à entendre. Parfois en présentiel, souvent à distance via son numéro de portable professionnel. « Il faut avoir de l’empathie, du recul, tout en répondant à leur besoin. Les cinq premières minutes sont importantes. » Les travailleuses sociales du Prism viennent en relais pour trouver une solution d’hébergement... Toutes ne quittent pas pour autant le foyer conjugal dans l’instant, certaines estimant « être capables de se protéger ». Quelques plaintes sont retirées aussi, par peur des représailles. « Ce qui ne signifie pas pour autant qu’une enquête ne s’enclenche pas derrière... »
Effet Grenelle et affaires Kouchner ou Springora obligent, de plus en plus d’adultes poussent la porte du commissariat pour témoigner de faits anciens, lorsqu’elles étaient vulnérables. Et là aussi, la parole se libère. Lorsque les faits ne sont pas prescrits, le temps judiciaire fait ensuite son œuvre.
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