Derrière les murs (3/6) - Le livre, la grande évasion

Que se passe-t-il après l’incarcération ? Dans cette série, la rédaction décrit le quotidien des détenus du centre pénitentiaire de Vivonne. Privés de liberté pour quelques mois ou plusieurs années, ils se reconstruisent une vie derrière les murs. Dans ce troisième volet, rendez-vous à la bibliothèque. Pour une grande partie des détenus, les livres et les magazines sont indispensables. Et les « auxi » sont là pour les conseiller.

Romain Mudrak

Le7.info

Savez-vous qu’entre 8 000 et 10 000 livres et magazines circulent en permanence à l’intérieur du centre pénitentiaire de Vivonne ? Ils sont stockés sur les rayonnages de trois bibliothèques -centres de détention pour hommes, femmes et à la maison d’arrêt- et cinq dépôts, en attendant que les détenu(e)s
les choisissent. « Pour une partie d’entre eux, la lecture est un moyen de s’évader, assure Valérie, la responsable. Physiquement, c’est impossible de sortir des murs. Ici, tout est réglé. Les livres leur offrent un peu de liberté. » Avec sa collègue Carine, elle occupe un plein temps financé par la médiathèque, et donc la Ville de Poitiers depuis 1988. A l’époque, la maison d’arrêt se situait encore à la Pierre Levée. C’est unique en France !

Dans le quartier des femmes, la bibliothèque est installée dans une salle d’environ 40m2 munie d’étagères et d’une grande table. « Avant la Covid-19, c’était un lieu de passages, de rencontres, d’échanges avec des jeux à disposition », raconte Nathalie, 57 ans. Comme deux autres détenus, elle est auxiliaire de bibliothèque depuis un an. Ces « auxi » sont rémunérés pour accueillir le « public », gérer les prêts, les retours et les retards réguliers. Ils rangent les ouvrages et les rafistolent si nécessaire. Malheureusement depuis l’apparition du virus, l’accès est limité à une seule personne à la fois. « L’avantage, c’est que cela libère la parole et beaucoup de détenus en profitent pour se confier un peu. »

Un statut à part

Nathalie lit sept à huit livres par semaine. « Je suis une passionnée de lecture. C’est donc tout naturellement que je veux partager cela avec les autres détenus et, surtout, que j’essaie, telle une libraire, de trouver le livre qui les passionnera à leur tour ou, au moins, qui les amènera à lire. » C’est sa première motivation, avec la rémunération. Etre « auxi » donne aussi un certain statut à celui ou celle qui occupe cette fonction. « Nous sommes identifiés par les autres, les relations sont bonnes, on se sent respecté », note Didier, 54 ans, sans parler d’intégration. Il ne se passe pas un jour sans qu’un de ses co-détenus lui demande des informations sur un bouquin, même après sa journée de travail. « C’est notre cœur de métier ! » Lui officie à la bibliothèque du centre de détention des hommes. Chaque jour, il parcourt également un étage différent de son bâtiment avec un chariot rempli d’ouvrages et de magazines. Impossible de savoir combien de temps il restera là. Mais une chose est sûre, « le plaisir d’être au milieu des livres » lui permettra de se réinsérer un jour ou l’autre.

 

Les détenus aiment les romans policiers
Globalement, une trentaine de « grands lecteurs » avalent régulièrement les dernières nouveautés disponibles. Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) dispose d’un budget annuel (non communiqué) pour alimenter le fonds qui bénéficie également de dons triés sur le volet. Inutile toutefois d’apporter vos cartons de vieux livres, ils ne seront pas acceptés ! Enfin, la médiathèque de Poitiers paie plusieurs abonnements à des revues spécialisées, sé- lectionnées selon les goûts des détenus. « Musculation, auto, moto mais aussi santé font partie de leurs thèmes préférés, précise Valérie Briley. Côté livres, ils apprécient surtout les témoignages, les histoires vraies, et même les romans policiers. » Les détenus peuvent aussi « cantiner » des livres avec leurs propres moyens. Les aumôniers se chargent, eux, d’acquérir les œuvres liturgiques. Enfin, l’association Un Livre, l’autre invite régulièrement (hors temps de Covid) des auteurs pour un moment d’échange ou un atelier d’écriture, et offre alors des bouquins liés à cette visite.

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