
Aujourd'hui
Lui et les « GJ », c’est fini. Engagé du premier jour dans les rangs de la contestation jaune fluo, à Châtellerault, Thierry a aujourd’hui stoppé toute activité au sein du mouvement social. « Cela devenait trop dangereux », explique-t-il, évoquant des « menaces » dont il aurait fait l’objet durant son engagement. Comme lui, ils sont nombreux à avoir quitté les ronds-points de la Main jaune, du CHU ou encore d’Auchan-Sud. Longtemps les plus rassembleurs dans la Vienne, aujourd’hui revenus à leur simple fonction de carrefour giratoire.
Les raisons de cet essoufflement sont multiples. Dissensions internes, fatigue morale et physique, rapports tendus avec les forces de l’ordre… « On a du mal à se mobiliser sur le long terme, même moi », confesse un Gilet jaune local, présent mercredi dernier lors de la projection de J’veux du soleil (*), au cinéma Le Dietrich. « Les plus costauds sont restés, mais ils y ont laissé de l’énergie, du temps. Et à un moment donné, il faut aussi retourner bosser, observe Gilles Perret, coréalisateur de ce film-documentaire (très) engagé sur les personnes qui composent le mouvement. Mais le mouvement est loin d’être terminé dans les têtes, dans les esprits. »
Une convergence encore « difficile »
La mobilisation a changé de forme. Désormais, à Poitiers, les Gilets jaunes sont de tous les grands rassemblements sociaux. Parmi les étudiants lors de la grève scolaire pour le climat les 15 et 22 mars et, même, aux côtés des syndicats durant les manifestations des 5 février et 19 mars. Surprenant après des semaines de défiance, où la convergence des luttes semblait inenvisageable. « Cela reste une question sensible, admet André L’Hotte, un Gilet jaune poitevin. Les Gilets jaunes sont attachés à leur indépendance. L’enjeu, c’est d’avoir un dialogue calme et serein pour voir sur quelles bases on peut travailler ensemble. »
Pour l’heure, « nous n’en sommes pas au point d’actions conjointes », précise Catherine Giraud, la secrétaire départementale de la CGT. La faute au « manque d’organisation, de structure » et d’unité dans les rangs des Gilets jaunes poitevins. Ces derniers y travaillent depuis la fin décembre avec la mise en place d’une assemblée constituante, autour d’un noyau dur d’une cinquantaine de membres issus de toute la Vienne. Ouverte à tous, elle se réunit chaque vendredi soir, à l’auberge de jeunesse de Bellejouane. « On ne peut pas prétendre combattre le système si on ne fait pas aussi bien. Il faut que l’on puisse incarner le changement, on a un devoir d’exemplarité », explique André L’Hotte, pour qui cette démarche a déjà permis au mouvement d’« être crédible et d’envisager des actions construites ».
Blocages, grèves générales et reprise des ronds-points… Les Gilets jaunes l’assurent : ils n’ont pas dit leur dernier mot. Mais à quel niveau de mobilisation ? Resté « Gilet jaune dans l’âme », Thierry a, lui, tourné les talons. Il retient malgré tout « une belle page de (sa) vie, qui aurait pu être une belle page de l’Histoire de France ».
(*) Sortie nationale au Dietrich le 3 avril.
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