
Hier
Pourquoi le taire ? Leur malêtre fait peine à entendre. Sabine l’infirmière et Valérie l’aide-soignante n’ont jamais eu l’occasion de travailler, ensemble, dans le même service. Toutes deux ont pourtant en commun le sentiment que la maison CHU, à laquelle elles appartiennent respectivement depuis quatorze et huit ans, « a détruit leurs rêves ». « Nous, soignants, avons appris à écouter, rassurer, estomper la douleur, soutenir et accompagner sans jugement, éructe Valérie. Mais qui nous écoute, nous rassure, apaise nos maux ? Nous sommes cassé(e)s. »
Les deux consoeurs n’ont pas lu dans le détail le rapport récemment rendu public par la Chambre régionale des Comptes (CRC) sur la gestion du centre hospitalier. Elles en connaissent toutefois les grandes lignes et acquiescent devant ses conclusions. « Je n’ai pas peur de dire que j’ai moi-même apporté ma part aux 12,53% d’absentéisme mis en lumière sur l’année 2011, assène Sabine. Quand on ne dispose pas de plannings de repos sérieusement établis, quand on vous rappelle du jour au lendemain ou, pire, sur vos congés, pour remplacer un collègue et que ça se répète, on pète à son tour les plombs. » Interrogée sur ce « fléau » de l’absentéisme, la direction générale assure « travailler d’arrache-pied pour résoudre les problèmes là où ils se posent ».
Les maux qui rongent
Elle n’en dit toutefois pas davantage sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. « C’est un sujet complexe, sur lequel nous communiquerons en temps et en heure. » Aveu de faiblesse ? Ou incapacité (espérons-le temporaire) à placer le curseur sur les « vrais maux » qui rongent l’hôpital public : la charge de travail, la motivation du personnel et la répartition des moyens, dénoncés, dans cet ordre, par le rapport de la CRC ? Aux tensions internes nées de ces « dysfonctionnements », Sabine et Valérie souhaitent adjoindre le regret que « direction et ressources humaines ferment les yeux et les oreilles devant les souffrances des personnels ». « Le CHU est une petite ville. Je comprends qu’il ne soit pas facile de la gérer, mais un peu d’humanité ferait du bien, maugrée l’aide-soignante. Tout, dans le comportement de nos supérieurs, contribue à agrandir le fossé entre la réalité de terrain et l’image, merveilleuse, du service public que nous avions à nos débuts. »
Cette « déshumanisation » comme terreau de l’absentéisme, du burn-out et de la dépression est hélas commune à bien des CHU. Est-ce vraiment une raison pour ne pas se pencher sur son chevet et négliger de l’éradiquer ? (*) Le rapport précise que sur la seule année 2011, 119 000 jours de travail n’ont pas été honorés, sur les 952 000 prévus. Soit un taux d’absentéisme record de 12,53%.
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