Le mal-être crée l'absence

Un rapport récent de la Chambre régionale des Comptes révèle que le CHU de Poitiers a cumulé, en moyenne, plus de 12% d’absentéisme sur les années 2009, 2010 et 2011(*). La direction générale dit tout mettre en œuvre pour que la situation s’améliore. Les soignants, eux, dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles.

Nicolas Boursier

Le7.info

 Pourquoi le taire ? Leur malêtre fait peine à entendre. Sabine l’infirmière et Valérie l’aide-soignante n’ont jamais eu l’occasion de travailler, ensemble, dans le même service. Toutes deux ont pourtant en commun le sentiment que la maison CHU, à laquelle elles appartiennent respectivement depuis quatorze et huit ans, « a détruit leurs rêves ». « Nous, soignants, avons appris à écouter, rassurer, estomper la douleur, soutenir et accompagner sans jugement, éructe Valérie. Mais qui nous écoute, nous rassure, apaise nos maux ? Nous sommes cassé(e)s. »

Les deux consoeurs n’ont pas lu dans le détail le rapport récemment rendu public par la Chambre régionale des Comptes (CRC) sur la gestion du centre hospitalier. Elles en connaissent toutefois les grandes lignes et acquiescent devant ses conclusions. « Je n’ai pas peur de dire que j’ai moi-même apporté ma part aux 12,53% d’absentéisme mis en lumière sur l’année 2011, assène Sabine. Quand on ne dispose pas de plannings de repos sérieusement établis, quand on vous rappelle du jour au lendemain ou, pire, sur vos congés, pour remplacer un collègue et que ça se répète, on pète à son tour les plombs. » Interrogée sur ce « fléau » de l’absentéisme, la direction générale assure « travailler d’arrache-pied pour résoudre les problèmes là où ils se posent ».

Les maux qui rongent

Elle n’en dit toutefois pas davantage sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. « C’est un sujet complexe, sur lequel nous communiquerons en temps et en heure. » Aveu de faiblesse ? Ou incapacité (espérons-le temporaire) à placer le curseur sur les « vrais maux » qui rongent l’hôpital public : la charge de travail, la motivation du personnel et la répartition des moyens, dénoncés, dans cet ordre, par le rapport de la CRC ? Aux tensions internes nées de ces « dysfonctionnements », Sabine et Valérie souhaitent adjoindre le regret que « direction et ressources humaines ferment les yeux et les oreilles devant les souffrances des personnels ». « Le CHU est une petite ville. Je comprends qu’il ne soit pas facile de la gérer, mais un peu d’humanité ferait du bien, maugrée l’aide-soignante. Tout, dans le comportement de nos supérieurs, contribue à agrandir le fossé entre la réalité de terrain et l’image, merveilleuse, du service public que nous avions à nos débuts. »

Cette « déshumanisation » comme terreau de l’absentéisme, du burn-out et de la dépression est hélas commune à bien des CHU. Est-ce vraiment une raison pour ne pas se pencher sur son chevet et négliger de l’éradiquer ? (*) Le rapport précise que sur la seule année 2011, 119 000 jours de travail n’ont pas été honorés, sur les 952 000 prévus. Soit un taux d’absentéisme record de 12,53%.

 

Une gestion peu prospective

Parmi les constats « négatifs » énoncés dans son rapport, la Chambre régionale des Comptes cite notamment l’absence de système de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. « Une absence critiquable, écrit la CRC, d’autant que le nombre d’agents de plus de 55 ans est élevé et en progression rapide, ce qui aura des répercussions sur le recrutement dans un avenir proche. » Et l’organe de contrôle de préciser : « Le CHU ne paraît pas développer une réelle stratégie prospective, face à la progression du nombre d’agents de plus de 55 ans. Il n’élabore pas, dans le même objectif, de tableau de flux de personnels entrants-sortants pour chaque métier. » Entre 2007 et 2011, 1667 départs ont été enregistrés en secteur non médical, pour 981 arrivées. Et si la première source de « surcharge de travail » tenait dans ces chiffres…

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