La mort au tournant

À l’approche de la Toussaint, les professionnels du funéraire sont en proie à quelques difficultés, liées à la diminution significative du nombre de décès sur les premiers mois de 2014. Au-delà de la conjoncture, l’évolution des moeurs entraîne des changements dans la manière d’envisager les obsèques…

Arnault Varanne

Le7.info

 L’année dernière, 560 000 personnes se sont éteintes en France. À l’horizon 2030, elles seront 700 000. Autant dire que les professionnels du funéraire devraient se frotter les mains. Seulement voilà, la conjoncture ne leur est, pour l’instant, pas favorable. Pour des raisons que tout le monde ignore, 2014 est, jusque-là, une annus horribilis. À la fin août, le « retard » atteint dix-huit mille morts. « Et notre activité est directement impactée… », déplore Richard Féret, directeur général délégué de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM). Le secteur pèse 3457 entreprises, 25 000 salariés et 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Dans la Vienne, visiblement, l’adage « vivons heureux, vivons cachés » rallie les suffrages des professionnels du funéraire. Seule Annie Gambard a accédé à nos demandes d’entretien. Elle dirige l’entreprise Anémone Funéraire, à Saint-Georges-lès- Baillargeaux, Buxerolles et Jaunay- Clan. Elle aussi constate un ralentissement de son activité. « Peut-être que l’hiver dernier, très doux, y est pour quelque chose… » La dirigeante ne s’en offusque pas, de la même manière qu’elle prend acte du pouvoir d’achat en baisse de ses clients(*). « On le ressent sur le choix des fleurs, des couronnes… Les gens font attention. » Plutôt que de subir la situation, Anémone Funéraire démultiplie les services (entretien de sépultures…), « l’hyper personnalisation » des monuments et s’efforce de « tisser une vraie relation de confiance avec les familles ».

La crémation en hausse

Dans la Vienne comme ailleurs, la crémation se taille une part de plus en plus prépondérante. A l’échelle nationale, elle concerne 33% des cas, contre 1% en 1981 ! Et la dimension financière n’est pas l’unique moteur de la décision des Français. « D’autant que les coûts entre les deux prestations ne sont plus aussi éloignés », abonde Annie Gambard. Richard Féret estime, lui, que « la recomposition des familles et les difficultés à entretenir les sépultures » jouent en faveur des crémations.

À Poitiers, leur nombre a même dépassé celui des inhumations l’année dernière (583 contre 432). D’une certaine manière, cette tendance lourde devrait faciliter la tâche des communes, confrontées à la création ou l’agrandissement des cimetières. « D’ici sept ou huit ans, il faudra que nous nous penchions sur la problématique », reconnaît Christine Sarrazin-Baudoux, adjointe déléguée à l’Administration générale à Poitiers. En attendant, la Ville s’efforce de gérer les concessions accordées aux familles.

Depuis 2008, plus aucune concession perpétuelle n’est attribuée. En revanche, Poitiers procède à une centaine de contrats d’abandons, tous les deux ans. Pour les communes comme pour les entreprises du funéraire, le maître-mot est l’adaptation. Pas simple dans une société où la mort reste un vrai tabou, auquel personne ne veut se confronter. (*)Selon la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM), le coût des obsèques varie entre 2500€ et 4500€ selon les zones du territoire.

Plus de soins à domicile

Le ministère de la Santé travaille actuellement sur un nouveau texte qui devrait interdire les soins sur les défunts à domicile, pour des questions d’hygiène. Entendez par là le retrait des fluides et la préparation des corps avant l’inhumation ou la crémation. Un travail assuré par les thanatopracteurs. Aujourd’hui, 80% des décès surviennent en milieu hospitalier, 10% sur la voie publique, le reste chez les particuliers. Le texte pourrait entrer en vigueur courant 2015… et entraînera, de fait, une hausse du coût des obsèques. « A partir du moment ou un aller-retour entre le domicile et la chambre funéraire ou l’hôpital sera nécessaire, il y aura une hausse des tarifs », indique la Confédération.

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