Sitôt coupée, sitôt greffée

Le 3 décembre dernier, le service d’orthopédie-traumatologie du CHU a pratiqué une réimplantation totale de la main sur un quinquagénaire originaire de Savigné, victime d’une scie circulaire. Une première historique pour l’établissement.

Nicolas Boursier

Le7.info

Dominique Morisset a eu 52 ans samedi dernier. Il a failli ne jamais les fêter. Le 3 décembre 2013, cet employé de la société PBL de Saint-Pierre d’Exideuil est en train de « faire du bois » dans son jardin, quand la courroie de sa scie circulaire se coince contre le moteur. « J’ai juste voulu la remettre en place, sourit-il. Ma main gauche a glissé sur le billot et hop… » Et hop, la scie en marche fait son œuvre. La main, coupée à la base du poignet, tombe au sol, dans la sciure amoncelée.

Dominique vit seul, mais a des voisins sur lesquels il peut compter. Sur le ton de la dérision, il enchaîne : « J’ai pris mon courage à une main et j’ai marché jusqu’à chez eux. Et ce sans jamais avoir mal, malgré les trois litres de sang perdus. Mon ami Norbert m’a fait un garrot avec sa ceinture. M. et Mme Servouze, eux, sont allés chercher la main, l’ont placée dans un torchon, puis dans un sac de glace. »

L’accident a eu lieu vers 15h30. Il a est à peine plus de 17h lorsque le Smur de Ruffec confie Dominique Morisset aux soins des urgences du CHU de Poitiers. Et tout juste 18h30 lorsque l’opération de réimplantation commence. Aux manettes, une toute jeune chirurgienne, Camille Poujardieu, assistante de spécialiste dans le service d’orthopédie-traumatologie du Pr Louis-Etienne Gayet. Elle ne le sait pas encore, mais l’intervention qu’elle va pratiquer est une première dans l’histoire de l’hôpital.

Douze heures lui sont nécessaires pour délester de toute nécrose ou brûlure le membre à greffer, retailler et recoller les os meurtris, suturer les deux artères, la trentaine de tendons, les nerfs et les deux veines de la main et de l’avant-bras. « Les artères ont mis du temps à se revasculariser, mais dans l’ensemble, l’opération s’est très bien déroulée », se félicite le Dr Poujardieu. Si, d’un point de vue chirurgical, « cet acte n’est pas plus complexe qu’une greffe de doigt, par exemple », il nécessite une attention de longue haleine et une minutie de tous les instants. « Surtout dans les trois heures de la phase terminale, avec la suturation des deux veines, particulièrement fragiles et fines », poursuit le médecin.

Des os à consolider

Un mois et demi après ce curieux jour de décembre où il aurait pu perdre plus qu’une main, Dominique Morisset continue de prendre la vie du bon côté. « Que voulez-vous, c’est comme ça. Je me dis surtout que ç’aurait pu être bien pire. Sauf pour le garrot, je n’ai jamais eu mal. Je n’ai même jamais pris la morphine qu’on m’a prescrite après mes quinze jours d’hospitalisation. La vie continue. Et puis, maintenant, je me fais chouchouter. C’est pas mal non plus. »

Les fils ont disparu, la plaie est « belle » et la rééducation va bon train. Pour la chirurgienne, le temps va être un allié. « Le fait que M. Morisset ne fume pas a considérablement facilité sa cicatrisation, éclaire-t-elle. Le plus dur, maintenant, est de favoriser la consolidation de ses os. Il va lui falloir des séances de kiné intenses et beaucoup de patience. »

La demi-douzaine de broches implantées entre sa main et son bras devraient être enlevées d’ici trois ou quatre mois. Après ? « Après, il pourra bouger les doigts et serrer sa main, mais il serait étonnant qu’il retrouve 100% de ses capacités de préhension.» Dominique en a parfaitement conscience, mais ne comptez pas sur lui pour se morfondre. « Vous pouvez l’écrire, j’espère bien refaire du bois l’hiver prochain ! » Est-ce vraiment une bonne idée ? Ça, c’est une autre histoire…

 

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