Le président normal

Alain Baudier. 58 ans. Président (discret) du Poitiers Basket 86, le médecin anesthésiste du Samu maîtrise ses émotions en toutes circonstances. Ce « solitaire qui vit au milieu des autres » traverse la vie avec détachement et plaisir. Diagnostic.

Arnault Varanne

Le7.info

Ses rares détracteurs le dépeignent comme un type « effacé et lisse ». Sans envergure ? Il dément du bout des lèvres, admettant juste être « très banal ». Alain Baudier ne change pas. Ne changera plus. Les piques de ses meilleurs ennemis glissent sur lui comme la flotte sur le pare-brise d’une bagnole en route vers Mornac, sa terre d’attache en Charente-Maritime. « Je sais qui je suis, assène le président du PB86. Je n’ai jamais cherché, dans le regard des autres, une espèce de reconnaissance. Les médailles, les honneurs, ce n’est pas pour moi… »

L’hypertrophie du nombril ne guette pas le médecin anesthésiste du Samu de Poitiers. Depuis près de trente ans, sa silhouette longiligne et discrète de régulateur-urgentiste « hante » les couloirs de la Milétrie. L’ex-étudiant de la Faculté de Médecine de Poitiers -« ma sœur m’avait montré la voie quatre ans plus tôt »- aurait pu quitter l’hôpital public direction le privé, s’orienter vers la pharmacologie... Mais parce que « l’herbe n’est pas plus verte ailleurs », il a privilégié la stabilité collective à l’aventure personnelle plus rémunératrice. « Je m’accomplis dans ce que je fais, c’est une chance. »

« Nous » plutôt que « je »

Aujourd’hui, c’est surtout sa propension à rassembler la famille du basket poitevine qui le place sur le devant de la scène. Presque malgré lui ! Comme au Samu, le capitaine du paquebot PB, depuis neuf ans, sait compter sur une « bande de fidèles » qui lui évitent de se transformer en dirigeant omniscient et omnipotent. Il substitue d’ailleurs très souvent le « nous » au « je ». « Ce que pense le président du PB 86, les gens n’en ont rien à faire. » Dans la période délicate que vit son club, l’assertion demande un examen approfondi. La descente possible du PB en Pro B ? « Un simple accident de parcours. » Il ne blâme rien ni personne, veut juste « apprendre de (nos) erreurs », « aller de l’avant ». En pleine tempête comme sous le soleil exactement, le papa divorcé de Pierre (31 ans) et Clément « garde ses émotions » pour lui. Stoïque. « Mon métier l’exige… », glisse le fils de commerçants. Plus qu’une obligation, un trait de caractère solidement ancré.

L’avenir en suspens

Après tout, Alain Baudier « n’est pas malheureux » comme ça. Ses rares fêlures, comme la mort de son frère, il y a quelques années, il les gère en solo, dans une retenue exacerbée qui pourrait passer pour de la froideur. Ses proches décrivent, au contraire, quelqu’un de « plutôt chaleureux », « très intelligent » et qui « apprend vite ». Pas calculateur, mais réfléchi. Gouverné par la seule tyrannie de l’accomplissement, le goût « des choses bien faites ». La justesse et le respect lui servent de valeurs cardinales. L’ancien bénévole du CEP Poitiers, qui fut à l’origine du PCBB (Poitou-Charentes Basket-Ball), en 1994 au côté de Pierre Vincent, sait qu’il devra, un jour, passer la main. En 2014 ou 2015, peu importe pourvu que Poitiers suive les bons rails.

Et après ? Même si le basket l’absorbe « beaucoup », il ne ressentira aucune peur du vide. Promis. Peut-être se laissera-t-il dévorer par ses petits plaisirs du quotidien. Le bon vin, les « produits naturels et simples », la mer, l’écoute de l’intégrale de Barbara... Il aime aussi les peintres classiques, tels que Miller ou Suire. Chez lui, aucune photo de sa trombine, mais « des tableaux qui le font rêver ». Des repères dans le temps. Comme cette sculpture d’Enakieff, dans laquelle il plonge souvent son regard. Mais au fond, à quoi pense Alain Baudier ? A quoi rêve-t-il, derrière ce sourire retenu et ses bonnes manières ? Même après une heure et demie d’entretien, le président du Poitiers Basket demeure assez insondable. Pas du tout banal, mais toujours sous contrôle. Un homme de la synthèse, à mi-chemin entre casque bleu et général de troupe.

Légende : « Les médailles, les honneurs, ce n’est pas pour moi… »
 

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