Bataille de chiffonniers

Basée à Châteauroux, Agir 36 a implanté, dans la Vienne, une vingtaine de bornes de collecte de vêtements. Les associations locales, Emmau?s en tête, grincent des dents et pointent du doigt une concurrence déloyale…

Arnault Varanne

Le7.info

A l’autre bout du fil, Brigitte Bigot paraît gênée aux entournures. Depuis une quinzaine de jours, la directrice d’Agir 36 est dans ses petits souliers dès que l’on évoque la présence de « son » association dans la Vienne. Une présence matérialisée par une vingtaine de « Vêti Box », des bornes de collecte de vêtements « concurrentes » de celles du Relais, qui en compte une cinquantaine dans l’agglo de Poitiers (cf « 7 » n° 157). Sans compter les fripes récupérées, chaque année, par Emmau?s (800t), le Secours catholique, le Secours populaire, Pourquoi pas la ruche, Valoris Textile… Les desseins de l’entreprise d’insertion castelroussine ne sont pas très clairs. D’un côté, Agir 36 entend « favoriser la collecte par des gens du territoire et créer des emplois dans la Vienne ». De l’autre, Brigitte Bigot admet qu’une partie des textiles collectés sera rapatriée dans l’Indre. Quel pourcentage ? « Je ne sais pas encore, mais nous sommes en train de réaliser une étude de faisabilité pour monter un grand centre de tri et de valorisation », indique la directrice. Le tout avec l’appui financier du géant du secteur, KFB. Devant ce qu’il appelle « un fait accompli », Laurent Guinebretière n’hésite pas à pousser un vrai coup de gueule.

 Des associations en péril »
« Depuis plusieurs années, nous avons réussi à travailler en bonne intelligence avec le Conseil général, Grand Poitiers et toutes les actions qui collectent des vêtements », indique le responsable de la communauté Emmau?s de Poitiers. Et là, Agir débarque dans la Vienne sans nous avertir et en nous opposant une fin de non-recevoir. Ce n’est pas très clean… » Le courroux du patron d’Emmau?s s’explique par un élément simple. La communauté tire 25% de ses revenus de la filière textile. « On fait vivre cinquante-cinq adultes et quinze enfants ! Non seulement la façon de faire d’Agir n’est pas correcte, mais elle met des associations en péril. »
La hache de guerre, enterrée avec l’instauration des bornes du « Relais » sur le territoire communautaire, risque bel et bien de réapparaître. « Franchement, je regrette cette polémique, coupe Brigitte Bigot. D’autant que notre projet a vu le jour il y a plusieurs mois déjà… » Reste à savoir si la générosité des Poitevins suffira à satisfaire tous les collecteurs. « En tout cas, dans l’Indre, la pose de conteneurs a profité à tout le monde et a créé de bonnes habitudes. » Les Français
jettent en moyenne entre six et sept kilos de textiles par an, souvent en déchetterie. D’où l’appel au civisme des associations. Entre « utilité sociale » et « enjeux financiers et humains », le débat risque encore de faire couler beaucoup d’encre.
 

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