Aujourd'hui
Derrière les murs - Détenus et entrepreneurs à la fois
Catégorie : Série Date : jeudi 01 octobre 2020Que se passe-t-il après l’incarcération ? Dans cette nouvelle série, la rédaction décrit le quotidien des détenus du centre pénitentiaire de Vivonne. Privés de liberté pour quelques mois ou plusieurs années, ils se reconstruisent une vie derrière les murs. Aujourd’hui, focus sur l’école et la mini-entreprise Tout ton carton.
Au départ, l’objectif consistait à créer une mini-entreprise au sein du centre pénitentiaire de Vivonne. Une façon de mobiliser des compétences et d’en développer de nouvelles. Mais quelle activité choisir ? Très vite, l’idée est venue de recycler les centaines de cartons qui s’accumulent dans la cuisine centrale. Accompagnée par Antoine Vidal, l’un des cinq enseignants qui interviennent chaque semaine en prison, une équipe de sept détenus volontaires a réalisé une étude de marché. « Vendre aux autres détenus, c’était compliqué. Alors on s’est concentré sur le personnel », indique Patrick. Surveillants, agents administratifs, conseillers du service d’insertion et de probation ont reçu un questionnaire détaillé. « On s’est mis d’accord pour concevoir à la demande des chemises porte-documents et des boîtes de rangement qui collent. »
Nom de code : Tout ton carton. Les patrons ont été créés en classe, la fabrication se fait à la main dans les ateliers mis à disposition par Gepsa et la direction de l’établissement. Les détenus sont seuls maîtres à bord. Chacun a son rôle. Ils ont entre une trentaine et une cinquantaine d’années. Impossible de connaître les raisons pour lesquelles ils sont ici, derrière les murs, ni pour combien de temps.
« Régime confiance »
Patrick met à profit son expérience passée dans la vente. D’autres, comme Cédric, ont acquis les bases de la gestion d’entreprise. Stéphane -le président- retient un aspect en particulier : « A l’extérieur, j’étais artisan-maçon à mon compte mais je n’avais jamais fait d’étude de marché. Ce que j’ai appris, je le réutiliserai, c’est sûr. »
Ce projet, soutenu par l’association Entreprendre pour apprendre (EPA), a démarré il y a un an. Il a d’ailleurs remporté le premier prix académique des mini-entreprises. Mais l’heure est aujourd’hui au renouvellement de l’équipe pour assurer sa pérennité. Trois détenus ont été libérés pendant l’été. « Pour les remplacer, on en a vite parlé dans les couloirs du régime de confiance », reprend Patrick. Au centre pénitentiaire de Vivonne, il s’agit d’un étage du quartier hommes où les détenus ont les clés de leur cellule et peuvent circuler librement dans un périmètre défini en contrepartie de leur investissement dans la vie de la détention. « Après le travail et/ou les activités scolaires On joue à la belote, au babyfoot entre nous et on fait différentes activités comme des concours de cuisine. Moi j’adore ça... », raconte Stéphane. Tout cela sous l’œil de la coordinatrice socioculturelle.
Les porteurs du projet ont décidé collégialement d’attribuer l’ensemble des bénéfices (éventuels) de Tout ton carton à l’association Aire, qui gère la maison d’accueil des familles et amis de détenus à Vivonne. Et les femmes dans tout cela ? A la base, cette activité n’est pas mixte. Toutefois, compte tenu de la demande, les détenues devraient pouvoir intégrer la mini-entreprise.
L’école en prison
Antoine est professeur des écoles. En plus de sa formation initiale, il a effectué une année spéciale à l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation (Espé) de Niort pour pouvoir intervenir auprès de différents publics (personnes en situation de handicap, adultes en difficulté d’apprentissage, al-lophones...). Au centre péniten-tiaire de Vivonne, qui dispose de quatre salles de classe, trois autres professeurs des écoles comme lui assurent la scolarité des détenus volontaires. Le service est coor-donné par un responsable local d’enseignement. Les objectifs principaux ? La lutte contre l’il-lettrisme, la prise en charge des détenus de moins de 25 ans et l’apprentissage de la langue fran-çaise pour les étrangers. Il est éga-lement possible de passer tous les diplômes du Certificat de forma-tion générale au BTS.
L’emploi du temps des détenus
Le groupe de détenus qui fait vivre la mini-entreprise se réunit spéci-fiquement un après-midi par se-maine, le jeudi. Tous les matins, de 7h30 à 13h30, ils travaillent dans les ateliers et sont rémunérés pour cela sur une base évidemment plus faible que dans la vie civile. Le reste du temps est partagé entre l’école, le sport, les animations socioculturelles proposées et le temps personnel (parloirs avec la famille, rendez-vous avec les diffé-rents partenaires, bibliothèque...).
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