Santé publique France alerte sur la dégradation de la santé mentale chez les jeunes, avec notamment une hausse des pensées suicidaires chez les 18-24 ans. Explications et conseils avec le Pr Ludovic Gicquel, pédopsychiatre au CH Laborit, à Poitiers.
De nombreux adolescents présentent actuellement des troubles anxieux et dépressifs, comment l’expliquez-vous ?
« La société est extrêmement anxiogène. C’est dur pour les jeunes qui veulent se lancer dans la vie d’évoluer dans une société qui n’est pas porteuse d’espoir. Avec les différents événements récents, comme l’inflation ou la guerre en Ukraine, le filtre parental est durement éprouvé par le monde et cela rend les adolescents plus vulnérables. Leur capacité à gérer le changement prend appui sur des bases acquises dans l’enfance qui peuvent être défaillantes. Et puis les souffrances évoluent. Aujourd’hui, on expose involontairement les individus à des stimuli auxquels ils ne sont pas préparés, comme la pornographie. »
Comment distinguer les changements classiques de l’adolescence de ceux liés à un mal-être ?
« Dans 80 à 85% des cas, l’adolescent traverse une transformation basique. 10 à 15%, en revanche, vivent avec une anxiété modérée et 5% sont vraiment mal. Au sein d’une famille, où tout le monde joue son rôle, ce sont les changements qui alertent. Une modification brutale de comportement, une perte de poids, un refus d’aller à l’école ou de se découvrir quand il fait chaud, des aliments qui disparaissent sont des signes qui peuvent inquiéter mais qui ne sont pas nécessairement alarmants. Tout dépend des habitudes de l’ado. »
Beaucoup de jeunes parlent de leurs hospitalisation et tentatives de suicide sur TikTok, pensez-vous que cela peut avoir un impact sur les ados qui regardent ?
« Cela peut engendrer deux phénomènes : l’effet Werther, qui conduit à une vague de suicides par imitation et, le cas échéant, l’effet Papageno, qui incite à demander de l’aide. Le problème des réseaux sociaux, c’est l’absence de régulation par un adulte. Habituellement, ils sont entourés par les profs ou les surveillants, alors que sur les réseaux ils sont en prise avec leurs doutes, leur peur, leur impulsivité. Il y a néanmoins de bons côtés, ils s’y informent les uns les autres. »
Que peuvent faire les parents pour aider leurs ados ?
« Les adolescents ne sont ni de grands enfants, ni des adultes miniatures. Ce sont des êtres à part qui ont besoin d’être écoutés. Il faut respecter leur intimité tout en ayant les radars ouverts pour guetter les changements brusques de comportement et les questionner avec tranquillité et constance. Il n’est pas forcément nécessaire d’aller au CMP (Centre médico-psychologique) tout de suite. Des choses ont été mises en place comme la Maison des adolescents Picta’Dom et le Picta’Bus à Poitiers. Il y a aussi des permanences de psychologues dans les collèges et les lycées ou encore le dispositif « Mon parcours psy », qui rembourse huit séances de thérapie par an. »
DR CH Laborit