Le programme triennal de recherche au sein du Palais, à Poitiers, se termine samedi. Les archéologues ont pu ausculter en détail le bâti de ce monument classé, qui a rempli de nombreuses fonctions au fil des siècles.
Les premières investigations ont débuté en 2019. Quatre ans plus tard -la triennale a pris un an de plus en raison du Covid-, les dernières fouilles touchent à leur fin dans la tour Maubergeon et le corps de Logis du Palais, à Poitiers. « Le travail collectif a une grande importance, souligne Nicolas Prouteau, maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Poitiers et directeur du programme de recherche. Il y a trois semaines, nous avons reçu Bénédicte Fillion-Braguet, spécialiste de l’architecture monumentale. Elle nous a permis d’identifier quels chapiteaux étaient authentiques ou rénovés dans la salle des pas perdus. »
Afin d’étudier efficacement ce vaste ensemble de 6 000m2 et ses 380 salles, les chantiers ont accueilli chaque année une centaine d’étudiants bénévoles rattachés au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de l’université et du CNRS.
Archéologues des hauteurs
Parmi eux, Clément Armand, doctorant et référent depuis quatre ans au Palais, a suivi plusieurs étudiants. Il accompagne Ilona, en master 2 mondes médiévaux, dans son étude des marques lapidaires sur les murs de la salle Jeanne-d’Arc. Ce sont des gravures laissées dans la pierre par les artisans au moment de la construction, en guise de signature. Il s’agit d’archéologie du bâti, une discipline plutôt récente qui s’attarde sur l’étude approfondie des hauteurs plutôt que sur le contenu du sol. « C’est difficile au début, avec beaucoup d’informations d’un coup, toutes les époques se mélangent, témoigne la jeune femme. C’est très formateur. » Les étudiants ont procédé méthodiquement, en commençant par les piliers, puis les portes, les fenêtres, les murs…
« On peut identifier la marque de Guy de Dammartin, maître d’œuvre du comte de Poitiers Jean de France, indique Nicolas Prouteau. Cette construction est d’une telle importance que les meilleurs artisans européens sont sollicités. On est aidés par les textes, le chantier du Palais est très documenté entre 1382 et 1389. »
« Il faut avoir le nez dans le mur »
L’archéologie du bâti consiste à « décortiquer les différentes phases de restauration au cours des siècles », résume Clément. Outre ce minutieux travail d’enquête, les murs de la salle Jeanne d’Arc ont révélé des surprises. Comme les restes d’une épure, sur le mur adjacent d’une fenêtre au style gothique. « Ce sont des tracés préparatoires réalisés par les artisans pour bâtir des fenêtres complexes au XIVe siècle », précise Nicolas Prouteau. Ou encore, ce graffiti discret d’un lapin, gravé à hauteur d’homme, visible seulement si on l’éclaire de près. « On a pourtant passé du temps dans cette salle, mais sans échafaudages, on serait passé à côté de beaucoup de choses. Il faut avoir le nez dans le mur, la photo ne suffit pas. »
Quant à l’année 2024, elle sera celle des rapports de fouilles et des publications de résultats. Avec l’objectif de mettre à jour les connaissances sur le Palais. « Régulièrement, on informe les médiateurs de nos conclusions. Mais le but, c’est que les restaurateurs connaissent nos recherches et adaptent leur plan de réhabilitation du Palais », qui doit commencer l’année prochaine.
Des visites gratuites des chantiers sont programmées jusqu’au 27 octobre, tous les vendredis à 12h30. Sur inscription à l’accueil du Palais ou au 06 75 32 16 64.