Aujourd'hui
Plus de quatre après sa création, la Vie la Santé, lieu unique de promotion de la santé porté par le CHU de Poitiers, accueille plus de 10 000 usagers par an mais peine toujours à asseoir son modèle économique. Analyse avec sa responsable, le Dr Marion Albouy, médecin de santé publique.
Comment définiriez-vous la Vie la Santé ?
« La Vie la Santé représente un véritable changement de paradigme selon le dicton « mieux vaut prévenir que guérir ». Avec elle l’hôpital devient promoteur de santé, et plus seulement de soins. On a créé un modèle de transversalité qui positionne physiquement la prévention dans le système de santé. La Vie la Santé, ce sont 11 pièces sur 700m2. Dans cette maison-témoin, chacun est invité à repenser sa santé dans sa vie quotidienne à travers plusieurs déterminants, le réseau social dans le salon, l’alimentation dans la cuisine, l’hygiène et les perturbateurs endocriniens dans la salle de bain... »
Qu’en est-il en termes de pratiques professionnelles ?
« Il y a deux mots-clefs. L’interprofessionnalité d’une part : on est une équipe de trente personnes de professions différentes. On sort donc du dogme médecin-infirmière-aide-soignante… et c’est un sacré challenge ! Le deuxième mot, c’est parcours. Ce qui nous anime, c’est le continuum. On n’est pas dans la délivrance d’une prestation unique mais dans l’éducation à la santé, familiale, thérapeutique, environnementale… Ni paternaliste ni hygiéniste, mais réflexive, dans une démarche d’empowerment (ndlr, pouvoir d’agir) pour amener les gens à réfléchir à la société qu’ils veulent. Aujourd’hui, on parle beaucoup de prévention mais elle est encore associée au seul dépistage. Ici, ni blouse blanche, ni stéthoscope, ce qui requiert aussi une acculturation de nos confrères par rapport au modèle biomédical. »
Quelle place pour les usagers et/ou patients ?
« La co-construction est dans notre ADN. On co-construit sans arrêt avec nos patients experts l’organisation de nos activités, nos formations et nos recherches, qui forment le triptyque du CHU. On repart du besoin, que ce soit pour l’obésité, la santé numérique, la santé environnementale… »
Lors du premier confinement, vous évoquiez la question
« La santé numérique est l’axe premier du projet médical partagé porté par le CHU. Comment rester proche tout en étant éloigné ? A travers des formations au numérique, la digitalisation de nos ateliers… Mais attention, la littérature montre que l’e-santé au mieux ne va pas aggraver les inégalités territoriales, elle ne les réduira pas. Notre objectif n’est pas de toucher tout le monde mais ceux qui en ont le plus besoin. »
Sur quoi repose la pérennisation du modèle ?
« Plus de quatre ans après le démarrage, le système de santé n’est toujours pas prêt pour la prévention, même si on a progressé sur les discours. Heureusement, à Poitiers, le CHU a le courage d’assumer cette mission de service public et nous avons beaucoup de chance d’avoir un continuum dans différents milieux, le Groupement hospitalier de territoire, l’université, le CH Laborit, la Ville de Poitiers… Pour autant, il n’existe pas de modèle économique satisfaisant. Malgré une littérature importante, on nous demande sans cesse de justifier, ce qui n’est pas le cas pour les soins. En France on ne raisonne pas en cas évités, c’est à la prévention de prouver son efficacité, de mesurer la non-survenue de la maladie. »
Comment accélérer le changement ?
« Je peux juste dire : venez découvrir par vous-même la Vie la Santé, comprendre la fameuse salutogénèse, c’est-à-dire comment on crée la santé qui, pour rappel, n’est pas juste l’absence de maladie. »
En chiffres
1. Un nom, la Vie la Santé « et non la Villa Santé, s’insurge le Dr Albouy, car on redonne l’élan vital ».
2. La structure initie cette année deux temps forts, des portes ouvertes le 7 avril lors de la Journée mondiale de la santé, et une formation à destination des professionnels, directeurs d’établissements notamment, le 19 juin.
70. Plus de 70 ateliers créateurs de santé sont proposés autour de huit thématiques : alimentation, activité physique, alimentation, santé environnementale, bien-être mental et social, vie quotidienne, consommation de tabac et sexualité.
24. C’est le nombre de programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) sur la trentaine de maladies chroniques reconnues.
2 000. Plus de 2 000 nouveaux usagers franchissent chaque année les portes de cette maison à nulle autre pareille, malades ou pas, aidants, jeunes de la Mission locale, étudiants, chercheurs…
10 000. La Vie la Santé enregistre plus de 10 000 passages par an.
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