Chercheurs et cliniciens 
contre le mélanome

Une équipe de chercheurs poitevins a identifié ce qui pourrait devenir une cible thérapeutique contre le mélanome, grâce à des expériences menées in vitro et in vivo mais aussi à une étroite collaboration avec le service dermatologie du CHU.

Claire Brugier

Le7.info

A Poitiers, quelques centaines de mètres séparent le laboratoire 4CS de l’université et le CHU. Dans l’un, l’équipe d’Aubin Penna, chercheur au CNRS, étudie les canaux calciques et le mélanome (C2M), dans l’autre le service du 
Dr Ewa Hainaut, onco-dermatologue, s’occupe de patients atteints de ce cancer de la peau particulièrement agressif. « C’est l’un des rares dont l’incidence a augmenté ces dernières années », note l’universitaire. « En France, elle est de 7 à 10 cas pour 100 000 habitants », précise la médecin, prudente avec les chiffres. Alors, chercheurs d’un côté, cliniciens de l’autre ? Au contraire, « nos regards se complètent », assurent le Dr Hainaut.

Depuis les années 2010, des traitements contre le mélanome ont été mis au point à partir de thérapies ciblées ou d’immunothérapie. D’autres, nombreux, sont en cours d’expérimentation. « Rien que depuis le début de l’année, trois nouveaux protocoles ont été ouverts », glisse l’onco-dermatologue. Mais jusqu’à présent aucun traitement, même complémentaire, ciblant les canaux calciques n’a vu le jour contre ce cancer.

Le mauvais rôle 
de TRPV2

Dans un article paru en février dans la revue scientifique internationale EMBO Reports, l’équipe d’Aubin Penna s’est plus particulièrement intéressé à l’un de ces canaux, baptisé TRPV2. Pourquoi celui-ci alors que le génome humain compte des dizaines de protéines de transport du même genre ? Parce que TRPV2 a la particularité de s’exprimer très largement dans le mélanome métastatique. Des expériences in vitro, puis in vivo sur des souris ont montré que « plus il y a de TRPV2 dans les cellules, plus elles migrent », simplifie Aubin Penna. TRPV2 faciliterait donc les métastases. Une étude menée à partir de prélèvements effectués au CHU entre 2004 et 2014, sur 
183 patients dont on connaît le suivi clinique, le confirme : 
TRPV2 s’exprime davantage dans les mauvais pronostics de survie ou les récidives. En l’inhibant, on pourrait donc limiter les métastases. Reste à trouver la molécule idoine. Malheureusement, le temps de la recherche puis de la mise sur le marché d’une nouvelle molécule est extrêmement long. Autre solution : identifier parmi les médicaments de pratique courante, utilisés pour soigner d’autres pathologies, ceux susceptibles de bloquer ou ralentir l’expression de TRPV2 dans les cellules. Pour ce faire, la recherche fondamentale a besoin des retours de la pratique clinique qui, forte de cette collaboration, peut de son côté « déclencher une approche thérapeutique différente, note le 
Dr Hainaut. Et cela alimente aussi des sujets de thèse en médecine. » La recherche gagne du temps, la pratique clinique des données scientifiques… et les patients de l’espérance de vie. En France, le mélanome est le huitième cancer le plus commun chez les hommes et le sixième chez les femmes.

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