Grâce à des enseignants investis et à des méthodes spécifiques, les Sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) remettent sur les rails des élèves en grande difficulté scolaire. Rien à voir avec le film polémique sorti récemment.
« On stigmatise une population fragile qui ne le mérite pas et qui ne peut pas se défendre. » David Joumel, le directeur de la Segpa de Jean-Moulin à Poitiers, a peu apprécié le pitch du film Les Segpa, sorti au cinéma le
20 avril. Cette comédie est censée mettre en scène des élèves de Sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa). En vrai, le nom ne sert que de prétexte à de l’humour potache, sans tenir compte des réalités du milieu scolaire. A tel point qu’une pétition lancée avant la diffusion continue de réunir des signatures. Elle en compte près de 112 000 aujourd’hui.
Alors comment fonctionnent réellement les Segpa ? Créées à la fin des années 1980, ces classes accueillent des élèves en grande difficulté scolaire. Ils ne souffrent pas de handicap, mais un accident de la vie ou une situation familiale compliquée à gérer ont rendu impossible leur intégration au sein du système traditionnel. « Ce sont toujours les familles qui décident de déposer un dossier auprès de la commission départementale d’orientation, reprend David Joumel. Je passe beaucoup de temps à les accueillir et à leur expliquer que leurs enfants sont des collégiens à part entière. » Cantine, centre de documentation, cour, salles de musique et d’arts plastiques sont d’ailleurs partagés avec les autres ados.
« On connaît les élèves »
En 6e et 5e, les élèves retravaillent les bases : lire, écrire, compter. Mais ils apprennent aussi à s’organiser et à respecter les codes de la ponctualité et, parfois, de la politesse. Le fonctionnement rappelle celui de l’école primaire. Les professeurs spécialisés passent jusqu’à douze heures par semaine avec le même groupe de seize élèves et enseignent plusieurs disciplines. En 4e et 3e, ils découvrent différents champs professionnels à travers six à douze heures d’ateliers et des stages en mode concret.
« L’équipe est stable, on connaît les élèves, et on prend le temps, souligne François Vallée, enseignant en Segpa depuis plus de vingt ans. Ces élèves ont besoin d’une présence en continu et qu’on relance leur intérêt, mais le groupe reste ensemble pendant quatre ans, ils finissent par s’entraider » Et parfois ils racontent leurs problèmes.
« La confiance est essentielle à la réussite du parcours », reprend David Joumel, qui doit évidemment faire la police de temps en temps. La plupart filent en CAP voire au-delà. Et reviennent fièrement montrer ce qu’ils sont devenus.