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« Lorsque je mets CNN, j’ai presque envie de casser la télé »
Catégories : Société, Covid-19 Date : jeudi 28 mai 2020Le plus Châtelleraudais des Américains s’appelle Jeffrey Arsham. A 70 ans, il a passé une partie du confinement à traduire des publications de scientifiques en proie au Covid-19. Son regard sur la gestion de la crise en France et aux Etats-Unis est acéré.
Jeffrey Arsham, quelle a été votre première réaction aux prémices du confinement ?
« L’intervention du Président de la République, le 12 mars, m’a beaucoup secoué. Je rentrais ce soir-là en train de Poitiers, où j’avais assuré des cours au CHU. La fermeture des écoles, collèges et lycées, je l’ai ressentie comme un choc. La crise est soudainement devenue réelle, concrète, alors que la semaine précédente je faisais une croisière avec mon épouse... »
Comment avez-vous vécu cette drôle de période confiné à votre domicile ?
Je suis habitué au télétravail, j’ai donc très bien vécu cette période. Je suis capable de me concentrer à 100% sur mes activités (traduction, enseignement) à domicile. Et puis, j’ai également le bonheur de très bien m’entendre avec ma femme Christine. Ma fille est partie depuis longtemps, je n’ai donc pas eu d’enfant à accompagner dans sa scolarité. »
D’une certaine manière, vous avez été au cœur de cette crise sanitaire...
« J’ai en effet reçu pas mal de commandes de clients liées au Coronavirus. J’ai traduit huit articles et en ai relu vingt-cinq pour le compte de médecins, de Poitiers et Paris, qui publient dans des revues internationales. C’était très intéressant car j’ai appris beaucoup de termes scientifiques. D’ordinaire, ce processus de publication est lent. Là, tout s’est accéléré. J’ai eu l’impression de vivre cette pandémie en temps réel et de mettre mes compétences au service d’une cause. »
« La situation est tellement complexe... »
Comment jugez-vous l’action des autorités françaises ?
« On peut toujours émettre un certain nombre de critiques, notamment à propos de la question des masques. Mais je trouve quand même que la gestion de crise en France a été excellente. Quand on écoute le Président de la République, le Premier ministre ou le ministre de la Santé, on sent qu’ils tâtonnent parfois, s’adaptent. Mais la situation est tellement complexe... Je le dis d’autant plus facilement qu’en tant que citoyen américain, j’ai un président qui n’a aucune once de crédibilité, il ment comme il respire. Lorsque je mets CNN, j’ai presque envie de casser la télé. »
En même temps, les gouverneurs n’ont-ils pas pris le relais de l’Etat fédéral ?
« Une crise de cette ampleur est un test grandeur nature en termes de leadership. Tout ce que l’administration Trump gère mal est amplifié par la crise. Il dit aux gouverneurs de se débrouiller seuls, sans leur donner les fonds nécessaires, et en appelant à libérer certains Etats confinés. Trump est incompétent, autoritaire, capricieux et brutal. Les seules personnes qui peuvent travailler avec lui sont des sycophantes. »
Dans le « monde d’après », qu’est-ce qui vous paraît le plus important ?
« Pendant plusieurs semaines, dans les grandes villes, la circulation automobile a pratiquement disparu. J’aimerais que les autorités soient plus attentives à la question écologique. Je pense au monde dans lequel va vivre mon futur petit-fils. J’ai l’impression que dans les nouvelles générations, la prise de conscience est réelle. Mais une crise comme celle que nous traversons doit inciter à la modestie et à l’humilité. »
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