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Une vingtaine d’habitants des Trois-Cités ont participé à une étude internationale inédite sur la pauvreté, dont l’objectif vise à mieux comprendre le mécanisme qui entraîne vers la précarité grâce à des méthodes introspectives. Pour mieux l’éradiquer.
Selon l’Insee, un individu est considéré comme pauvre en France lorsque ses revenus mensuels sont inférieurs à 60% du niveau de vie médian. Soit 1 041€ (données 2017). Sauf que l’argent ne fait pas tout. A ces données quantitatives, il convient d’ajouter une mesure qualitative de l’impact de la pauvreté sur la vie quotidienne des gens... ATD Quart Monde et l’université d’Oxford ont décidé d’en savoir plus et de mener une étude originale dans six pays (Bangladesh, Bolivie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Tanzanie). Sa déclinaison dans l’Hexagone a mêlé le Secours catholique, l’Institut catholique de Paris et plusieurs centres socioculturels, dont celui des 3 Cités, à Poitiers.
« J’ai vécu l’extrême pauvreté, trouver des solutions pour l’éradiquer m’intéresse », témoigne Mahamoud, l’un des « co-chercheurs », Comorien arrivé à Poitiers en 2015. Comme lui, une vingtaine d’habitants du quartier ont participé entre 2017 et 2019 à des exercices par groupes de pairs, comme le body mapping. Sur une silhouette humaine, l’un d’eux a barré la bouche d’un coup de crayon. Une façon d’illustrer l’idée que les pauvres « n’ont pas la parole » et que leur sourire est « rare ». La main est aussi tendue « en attente de dons ». « Quand on vit des minima sociaux, on doit toujours se justifier, souligne Awa. Pareil si on est étranger. C’est soumission obligatoire pour avoir quelques graines à manger. On perd sa dignité. » La « dépendance » apparaît dans tous les témoignages. Certains parlent de « combat quotidien » pour s’en sortir.
Peurs et souffrances
« Nous avons croisé leur savoir d’expérience avec celui des professionnels des structures -dix à Poitiers- et celui des chercheurs académiques, précise Bafodé Diaby. Il en ressort que la pauvreté est multidimensionnelle et que toutes ces dimensions interagissent entre elles. » Le rapport final(*) en cite huit : la maltraitance sociale (le regard des autres) et institutionnelle, l’isolement, les compétences non reconnues (débrouillardise, bénévolat, empathie), les contraintes de temps et d’espace, les privations matérielles et de droits, la santé dégradée. Le dernier n’apparaît dans aucune étude du genre, ce sont les peurs et les souffrances. « La peur du lendemain est très présente, souligne Pauline. La peur de ne pas trouver de quoi manger ou de se voir retirer ses enfants. Nous vivons au jour le jour. » « Existe aussi la peine de ne pas pouvoir offrir à son fils le même maillot de marque que le voisin », ajoute Marie-Stéphanie.
Jeunes, vieux, chômeurs mais aussi... travailleurs précaires font partie de la cohorte de « co-chercheurs ». Le diagnostic établi, reste à plancher sur les mesures à prendre. Ce rapport figure déjà sur le bureau de plusieurs membres du gouvernement. Mais la disparition de l’Observatoire national de la pauvreté, intervenue la semaine dernière, ne rassure pas les ONG. Bafodé Diaby y croit pourtant : « Nous sommes allés au Parlement européen, à l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques) et bientôt aux Nations Unies. Ce rapport ne restera pas dans un tiroir. »
(*)Disponible sur 3cites-csc86.org.
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lundi 23 décembre