mardi 24 décembre
Poitiers n’échappe pas aux violences sexistes. L’année dernière, deux sociologues ont mené une enquête dans quatre villes de Nouvelle-Aquitaine pour décrypter le phénomène. A la veille du 8 mars, une chose est sûre, les Poitevins peuvent mieux faire.
Le constat a de quoi surprendre. Surtout quand on est un homme… Ici, à Poitiers, dans notre petite ville plutôt tranquille, 71% des femmes déclarent avoir été victimes de sexisme au cours des douze derniers mois. Ce genre de chiffres, l’étude menée en 2018 par Johanna Dagorn et Arnaud Alessandrin en regorge. La Journée internationale des droits des femmes (le 8 mars) tombe à pic pour les mettre en lumière.
Regards insistants, sifflements et bruitages divers, commentaires non désirés sur l’apparence sont « le lot quotidien de la vie des femmes », notent les deux sociologues. « Ces mots sur mon physique sont d’une telle violence qu’ils en deviennent choquants », témoigne Pauline, 29 ans. Les contacts sont même parfois charnels. Une femme sur six interrogées -sur un millier au total- évoque des « effleurements », « attouchements » et même des « frottements ». 10% d’entre elles parlent de « menaces et d’insultes », 2% de masturbation et d’exhibitionnisme. Enfin, cinq cas de viols ou de tentatives de viols apparaissent dans les réponses.
Partage de l’espace public
La rue et les bus concentrent 94% des incidents cités. Et les témoignages recueillis s’en ressentent forcément. A l’image de cette utilisatrice du réseau Vitalis : « Il faut dire aux hommes qu’ils n’ont pas besoin de prendre les trois-quarts du siège à côté d’eux dans les transports. Ce n’est pas très agréable de devoir se serrer pour qu’un mec s’installe comme il le souhaite. » On appelle cela le manspreading. Un classique -plus sournois- des manifestations de domination masculine. D’une manière générale, le partage de l’espace public apparaît comme un sujet de conflit entre hommes et femmes. Surtout en centre-ville. « Les étudiantes sont davantage concernées et, logiquement, les lieux qu’elles préfèrent sont également ceux où le nombre d’agressions est le plus important », souligne Johanna Dagorn. Attention, il convient de nuancer ce constat. 64% des femmes se sentent quand même « sereines » dans les transports et l’espace public. C’est mieux qu’à Bordeaux, Limoges et Angoulême, où des enquêtes identiques ont été réalisées. Par ailleurs, les plus de 60 ans se déclarent particulièrement à l’aise dans leurs déplacements (76%), ce qui va à l’encontre de tous les schémas sur le sentiment de vulnérabilité ressenti habituellement par les seniors. Toutefois, si Poitiers veut garder son statut de ville où il fait bon étudier, la municipalité, partenaire de l’enquête, va devoir agir.
#NeRienLaisserPasser
« Un vrai travail d’éducation sur le long terme est nécessaire », estime Abderrazak Halloumi, adjoint au maire en charge de la Lutte contre les discriminations. Il met en avant l’implication des associations et des maisons de quartier, subventionnées en grande partie par la Ville. Plusieurs d’entre elles seront mobilisées en mars, vendredi en particulier (*). Et l’élu de citer le festival Egale à égal, organisé en novembre prochain par la Compagnie Sans Titre. Autant d’acteurs qui effectuent un travail de fond.
« L’important, c’est de rappeler certains messages aux victimes, qui ne demandent pas d’aide dans neuf cas sur dix », reprend Johanna Dagorn. Premier message : la loi du 3 août 2018 punit désormais l’« outrage sexiste » d’une amende allant de 750 à 1 500€, associée à des peines complémentaires. Second message : réagir peut tout changer. Le 3919 est fait pour cela. Le hashtag #NeRienLaisserPasser également. Et puis des blogs comme Paye Ta Shnek et Le projet crocodile donnent des clés pour répondre. Restera ensuite à mobiliser les témoins d’agressions qui, à Poitiers, ne sont que 10% à aider la victime.
(*) Le programme des actions est visible sur le site de la Région Nouvelle-Aquitaine (Mois de l’égalité).
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