mardi 24 décembre
En racontant au plus près l’affaire Preynat, du nom d’un ancien prêtre accusé d’abus sexuels sur des mineurs, François Ozon s’éloigne de la fiction pure. Et signe là un drame très sensible, très certainement l’un de ses plus grands films.
Peut-on diffuser un film sur une affaire judiciaire en cours ? Oui, ont estimé les juges en début de semaine dernière, autorisant la sortie en salles de Grâce à Dieu. Dans son dernier long-métrage, François Ozon s’intéresse en effet à l’affaire Preynat qui a vu, courant 2016, un aumônier scout accusé d’attouchements sexuels sur mineurs. Le procès du prêtre n’aura lieu qu’en fin d’année. Mais le réalisateur a souhaité raconter le parcours des victimes, montrer comment la parole s’est peu à peu libérée face à l’omerta glaçante de l’Eglise. D’Alexandre, le premier homme à briser le silence, à François, athée investi, en passant par Emmanuel, aux cicatrices encore palpables.
François Ozon illustre avec beaucoup de sensibilité la souffrance sourde de ces hommes, portée à l’écran par le jeu sobre des acteurs. Il explore les non-dits, les blessures restées trop longtemps enfouies dans l’entourage de chacun ; les doutes aussi, notamment dans le rapport des uns à la foi, à la religion. Très linéaire, le récit n’en demeure pas moins d’une fluidité exemplaire, en mêlant avec audace les formes narratives d’un personnage à l’autre. Le film jouit d’une écriture remarquable de délicatesse et d’une richesse proprement captivante. Prenant le soin de rappeler que le père Preynat et le cardinal Philippe Barbarin -accusé d’avoir couvert les crimes du prêtre- restent présumés innocents, Grâce à Dieu est malgré tout un film politique, qui dénonce sans trop en avoir l’air les omissions de l’Eglise. Le parti pris est évident et le timing de la sortie -peu après le procès de Mgr Barbarin- peut légitimement interroger, dérouter. D’autant que le nom des accusés a été conservé, contrairement aux victimes nommées dans le film. Mais l’objet cinématographique, lui, reste une vraie réussite.
Drame de François Ozon avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud (2h17).
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