Zéro chômeur, l’utopie qui marche

Cinq communes du Châtelleraudais veulent intégrer le dispositif national « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Une réunion publique a lieu jeudi, à Naintré. A Mauléon, dans les Deux-Sèvres, l’expérimentation s’avère très prometteuse. Soixante-quinze personnes ont retrouvé un job et leur dignité.

Arnault Varanne

Le7.info

Sur la zone de Beauregard, l’Entreprise solidaire d’initiatives et d’actions mauléonnaise (Esiam) occupe une place de plus en plus importante. L’atelier tissu d’une centaine de mètres carrés offre une vue imprenable sur l’atelier bois, de l’autre côté de la rue. Un jardin pousse aussi au cœur du site. Il y a encore trois ans, Véronique aurait eu du mal à s’imaginer bosser pour cette « Entreprise à but d’emploi » -le terme consacré-, a fortiori en contrat à durée indéterminée. Aujourd’hui, cette quadragénaire confectionne des objets en tissu, surveille la sieste des petits de l’école du Temple, lave et repasse les draps des chambres d’hôtes du bassin bressuirais… « J’ai connu un an de chômage après quelques missions d’intérim. Alors oui, il y a un peu de fierté à faire partie de ce projet. »

« Tout le monde est employable »

Le projet en question s’appelle « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD). La commune des Deux-Sèvres fait partie des pionnières de ce dispositif ultra-original. « L’idée, prolonge Thierry Pain, directeur de l’Esiam, c’est de partir du principe que tout le monde est employable. » Deux autres piliers fondent la démarche : le travail ne manque pas et l’argent non plus ! Une partie des cotisations chômage -18 000€ versés par emploi créé par le  Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée- sert à abonder les « Entreprises à but d’emploi ». Ça ne coûte donc pas plus cher à la société. D’autres principes sont intangibles, comme l’embauche non sélective, la sécurité (CDI), le temps choisi et la création nette d’emplois. Autrement dit, pas question de lancer des activités déjà existantes sur le territoire. L’Esiam a ainsi créé de nouveaux services, comme le tri des vêtements, les visites guidées, la valorisation du bois…

Le Châtelleraudais volontaire

« L’utopie de départ se concrétise, nous vivons une expérience unique qui a vocation à se développer sur d’autres territoires, assure Thierry Pain. Qui ajoute non sans humour : « Je cours les yeux bandés face à un mur en espérant qu’il recule plus vite que moi. Jusqu’à présent, ça marche. » Son enthousiasme est si communicatif que dans la Vienne aussi, le dispositif « TZCLD ». Naintré, Cenon-sur-Vienne, Colombiers, Scorbé-Clairvaux et Thuré (*) portent un projet équivalent. « Sur nos cinq communes, qui représentent 15 000 habitants, 500 personnes sont potentiellement concernées », explique Bruno Sulli, adjoint au maire de Naintré et vice-président de l’agglo. Ici, l’union sacrée des élus autour de Territoire zéro chômeur de longue durée ne fait plus de doute. Reste désormais à convaincre les habitants. D’où la tenue d’une première réunion publique, ce jeudi, à 20h, à la salle des fêtes de Naintré. Le rendez-vous sera précédé de la projection du documentaire de Marie-Monique Robin Du travail pour tous, tourné à… Mauléon.

Coordinatrice du projet, Delphine Plaud pilote la phase de préfiguration d’une durée de douze à dix-huit mois. « Cela nous laisse le temps de peaufiner le projet, en attendant le vote d’une deuxième loi en fin d’année ou début 2020 qui va élargir l’expérimentation à une quarantaine de territoires au lieu de dix aujourd’hui » Territoire zéro chômeur de longue durée fait partie des axes stratégiques du Plan pauvreté. La Fondation éponyme a chiffré à 43Md€ le coût annuel de la privation d’emploi dans l’Hexagone.

(*) Poitiers y pense aussi par l’intermédiaire du Comité des alternatives pour l’emploi et l’entraide (Capee). Trois quartiers sont « ciblés » : Bel Air, Bellejouanne et les Trois-Cités. Un chargé de mission va être recruté.

 

 

Expérimenter
Dans sa frénésie réformatrice, notre pays montre parfois de sérieux signes d’impatience. Aussi faut-il se réjouir quand, collectivement, élus et citoyens s’accordent sur le droit à expérimenter des mesures. Certaines -l’abaissement de la vitesse à 80km/h ou la transformation de l’ISF- se brûlent parfois les ailes sur l’autel de la contestation. D’autres vont jusqu’au bout de l’adage qui veut que l’essayer c’est l’adopter (ou pas). Ainsi, le dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée devrait être prolongé d’au moins cinq ans, après une première période équivalente couronnée de succès. Tout le monde s’accorde à louer les résultats enregistrés par les « Entreprises à but d’emploi » créées  sur les dix premiers territoires. Le revenu de base discuté à l’Assemblée nationale n’aura pas cette chance. La commission des Affaires sociales a retoqué le projet de loi socialiste d’une expérimentation dans dix-huit départements. En pratique, le revenu de  base s’apparente à une « prestation sociale unique, automatique et inconditionnelle », qui résulterait soit de la fusion entre le RSA et la prime d’activité, soit de la fusion entre ces deux prestations et les allocations logement. Le gouvernement a prévu d’expérimenter, dès 2020, le revenu universel d’activité, dont on sait encore peu de choses sur les modalités pratiques. Gageons que son déploiement sur le terrain résistera à notre impatience collective et aux petites querelles politiciennes.

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