Il a le bon braquet

Philippe Mauduit. 50 ans. Nouveau directeur sportif de la formation cycliste Groupama-FDJ. Rentre au bercail après une dizaine d’années auprès d’équipes étrangères du World Tour. Heureux de son sort, définitivement.

Arnault Varanne

Le7.info

C’est à la fois un métier de « grande précarité » et de « privilégié ». En conscience, il sait que « tout peut s’arrêter du jour au lendemain ». Il vit avec ça, l’a intégré au fond de lui-même. Mais là où certains troqueraient volontiers leurs valeurs contre une place au chaud -plutôt qu’au chômage-, Philippe Mauduit n’a jamais transigé. Son départ de Saxo Bank, fin 2014, au moment de la prise de pouvoir du magnat Oleg Tinkoff, procède de cette logique. Idem cette année, alors qu’il lui restait un an de contrat avec UAE-Emirates. De ces expériences « malheureuses », le Poitevin dit ceci : « Je préfère travailler avec des gens qui me donnent le sourire qu’avec ceux qui me font rentrer la tête dans les épaules. Le vélo, c’est aussi une histoire de relations humaines. »

Huit ans après les premières « touches » avec Marc Madiot (co-fondateur et dirigeant du Team), le voilà embauché chez Groupama-FDJ, l’une des meilleures formations françaises du World Tour. A l’époque, en 2010 donc, le sponsor (Cervélo, ndlr) avait arrêté brutalement. « Marc m’avait dit : « Si tu ne trouves pas de travail, reviens-nous voir… » J’avais trouvé la démarche surprenante. Depuis, nous avions gardé des liens. » Après le Japon, la Chine, les Bermudes, la Suisse, le Danemark, l’Italie et le Bahreïn, l’ancien coureur pro fait donc son grand retour sur la scène française, par la grande porte mais en toute humilité. Il parle certes trois langues -anglais, espagnol, italien-, mais il maîtrise encore mieux celle des coureurs. « L’empathie, l’écoute et le respect sont vraiment importants. On est au service des coureurs, il faut d’abord les entendre et les écouter », avance-t-il.

« Ce sport reste populaire »

Philippe Mauduit les tient tellement en estime qu’à l’heure d’évoquer ceux qui l’ont marqué, il insiste sur un nom : Matteo Bonno. L’Italien vient de tirer sa révérence après quatorze ans d’une carrière dans l’ombre. « C’est le profil type de l’équipier tel qu’on l’imagine, « au service de », engagé, qui a la même attention pour un enfant qui lui réclame un autographe que pour un média important. » Si Mauduit se sent aussi à l’aise dans le vélo, c’est sans doute parce que ce sport « reste populaire au bon sens du terme ». Lui le fils d’ouvriers et petit-fils de viticulteur n’a pas oublié d’où il vient. De cette périphérie -le mot à la mode- où les gens de la terre et de l’usine tracent leur sillon autour d’une boussole : le respect des valeurs simples.

« J’ai appris à dire bonjour en regardant les gens dans les yeux. Ça reste toute sa vie. J’ai aussi des images en tête de repas chez mon grand-père, où les enfants n’avaient pas le droit de parler. » A certains moments, l’injonction a pu être « un frein ». Bjarne Riis (son ancien patron chez Saxo Bank, ndlr) lui a parfois reproché son côté taiseux. « Philippe, prends la parole, on ne t’entend jamais dans les réunions », me disait-il au début. Au fond, on ne se défait jamais de son histoire ! » Et cette histoire aurait pu être différente si l’intéressé avait persévéré dans l’athlé. L’enfant de Saint-Etienne-de-Chigny a tâté du demi-fond à l’US Tours pendant une paire d’années, avant de céder aux sirènes familiales de la petite reine. C’est son oncle Gildas, coureur de bon niveau, qui l’a (re)mis en selle. « On a fait une première sortie de 60 bornes, puis une deuxième de 80… C’était parti ! »

Loin d’imaginer passer pro, l’ex-disciple du VC La Riche s’est exilé à Paris pour suivre un cursus dans l’automobile. Il a même enseigné un an dans un lycée technique de la région parisienne, avant d’embrasser la grande précarité du cyclisme. « Passionné, jusqu’au-boutiste, pointilleux, colérique, assez bordélique. » Ainsi se définit-il avec une belle franchise. Il aurait pu ajouter fidèle. Quand il n’est pas sur la route ce père d’une grande fille de 22 ans passe son temps entre son domicile de Migné-Auxances et le magasin de fleurs de son épouse Magali, rue Carnot à Poitiers. A deux pas de la grande roue de la place Leclerc. Jusque-là, elle a toujours tourné dans le bon sens.

 

 

À lire aussi ...