L’analyse et la modification des gènes, rendues possibles par les biotechnologies, posent des questions philosophiques. Elles devront être tranchées par la révision de la Loi bioéthique prévue dans les prochains mois. En attendant, L’Espace Mendès-France organise une conférence sur le sujet jeudi.
La Procréation médicalement assistée (PMA) et la Gestation pour autrui (GPA) ont monopolisé toutes les attentions lors des Etats généraux de la bioéthique organisés au premier semestre de cette année. Et pourtant, dans ce domaine, bien d’autres sujets tout aussi importants mériteraient que le grand public s’y intéresse en profondeur. En l’espace de quelques années, l’analyse génétique a fait progresser la médecine prédictive de manière vertigineuse. Un exemple ? Aujourd’hui, des tests de prédisposition génétique sont commercialisés dans le monde entier par des sociétés privées. Mais si certains permettent de déceler des maladies avant qu’elles ne se déclenchent, d’autres ouvrent la voie à une sélection vers un génome parfait... « Dans de nombreux pays, ces tests sont en vente libre sur Internet. En France, seuls certains sont disponibles sur avis médical », note Laurent Fillion, directeur de l’Ecole de l’ADN à Poitiers. Mais pour combien de temps ?
L’ADN en morceaux
Cette question pourrait être tranchée par la révision de la Loi de bioéthique de 2011. Un projet de texte sera proposé par le gouvernement dans les prochaines semaines et débattu à l’Assemblée nationale au pre- mier trimestre 2019. Dans ce domaine, une autre problématique pourrait également émerger dans l’actualité de cette fin d’année : jusqu’où peut-on modifier le génome d’un être vivant ? Car désormais, c’est techniquement possible. En 2012, la chercheuse française Emmanuelle Charpentier et une Américaine, Jennifer Doudna, ont inventé les « ciseaux à découper l’ADN ». Baptisé CRISPR Cas9, cet outil moléculaire permet de couper, remplacer, inactiver, ou modifier un gène ciblé. Grâce à lui, une équipe chinoise a déjà donné naissance à des chiens (Beagles) présentant le double de leur masse musculaire habituelle. Imaginez ces travaux appliqués à des embryons humains... Le comble, c’est que cette révolution biologique trouve ses origines tout près d’ici, au sein de l’entreprise DuPont-Danisco, à Dangé-Saint-Romain. Un chercheur employé par le leader mondial des ferments lactiques pour l’industrie alimentaire voulait améliorer la résistance de bactéries à l’œuvre dans la transformation du lait en yaourt. En juillet 2016, Le Monde avait raconté cette his- toire incroyable dans un article intitulé « Des ciseaux dans le yaourt ».
Au-delà de l’anecdote, notre capacité à analyser et à modifier le génome ouvre désormais la voie à de grandes réflexions philosophiques. L’Espace Mendès-France invite le public à s’y intéresser lors d’une conférence qui se déroulera jeudi (à 18h). Autour de la table, on retrouvera notamment Alain Claeys, maire de Poitiers et spécialiste de bioéthique, une experte de l’ADN, Marion Mathieu, ainsi qu’un philosophe des sciences, Guillaume Bagnolini. Le professeur Roger Gil, président de l’Espace éthique de Nouvelle-Aquitaine, viendra quant à lui parler de transhumanisme.