Recommandée par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, mais boudée par les puristes de la langue française, l’écriture inclusive suscite la controverse. A Poitiers, l’université et le Cnam font figure de précurseurs.
« Bienvenue aux étudiant.e.s. » Voilà ce qu’on pouvait lire sur les affiches de la dernière édition de Yolo, le mois d’accueil dédié aux néo-Poitevin.e.s. Un exemple typique du nouveau statut de l’écriture inclusive, promue par les mouvements féministes, portée par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et relayée par l’agence de conseil en communication Mots-clés. Celle-ci repose sur trois piliers. D’abord accorder les grades, fonctions et métiers aux genres. On écrira ainsi une « autrice », une « pompière », une « maire ». Ensuite, abolir le fait que le masculin l’emporte sur le féminin. D’où l’émergence du point milieu : citoyen.ne.s ou encore des étudiant.e.s. Enfin, éviter d’employer les mots « homme » et « femme » et préférer les termes plus universels comme « les droits humains ».
Jusque-là, le débat entre les « pros » et « anti » -souvent des experts- s’était résumé à quelques joutes verbales par médias interposés. Mais Hatier a enflammé les esprits en éditant un premier manuel scolaire « inclusif », suivi par de grandes villes françaises (Paris, Clermont-Ferrand), ainsi que des institutions, dont le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et l’université de Poitiers. Sur BFM TV, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a indiqué ne pas y être favorable, préférant « revenir aux fondamentaux sur la grammaire plutôt que d’ajouter une complexité pas nécessaire ».
« Dès qu’on touche à la langue… »
« Dès qu’on touche à la langue, il y a toujours des tensions, remarque Jean-Christophe Dourdet, maître de conférences en sociolinguistique et langues régionales à l’université. Regardez la manière dont la réforme orthographique a été accueillie. » Maintenant, une question se pose : la langue a-t-elle pour fonction de rétablir les inégalités femmes-hommes, qui sévissent par ailleurs ? « Ce que l’on remarque, c’est que la langue du Moyen Age avait certaines pratiques plus égalitaires, remarque le linguiste. Il y avait une systématisation des formes féminines plus poussées qu’au cours des siècles qui ont suivi. A titre d’exemple, on parlait de chanoinesse ou de moniale. Et pourtant, la société n’était pas égalitaire… »
Par la suite, certains métiers ont été spécifiquement identifiés aux hommes. Ainsi, la pharmacienne était forcément la femme « de ». Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, à en croire Le Larousse. En résumé, l’écriture inclusive s’imposera-t-elle par l’usage ou souffrira-t-elle d’une marginalisation permanente ? Vu le peu d’empressement des sages de l’Académie française à se saisir de la question, on peut s’interroger. Pour être tout à fait complet, ni la Ville de Poitiers ni les services de l’Etat n’ont choisi de s’en emparer.
Des épicènes bien utiles
Fort heureusement, de nombreux mots de la langue française jouent sur terrain neutre. Les artistes, bénévoles, cadres, capitaines, diplomates, fonctionnaires, gendarmes et autres propriétaires sont ainsi préservés des turpitudes actuelles autour de la nécessité ou pas d’adopter l’écriture inclusive.