Très cher téléchargement

Mi-mai, un Poitevin a été condamné à 10 000$ d’amende par un tribunal québécois. Sur les plateformes Fuza.fr et Fan2zik.com, il avait proposé aux internautes le téléchargement gratuit de fichiers musicaux appartenant à la société A Tempo. La décision fera-t-elle jurisprudence ?

Arnault Varanne

Le7.info

Roger-Luc Chayer parle de « jugement historique ». Le propriétaire de la Maison de disques A Tempo, basée à Montréal, vient de faire condamner Benjamin, un Poitevin qui s’est rendu coupable d’avoir diffusé « et offert gratuitement, sans droit ni autorisation, vingt-six fichiers audio et vingt-six images appartenant à Disques A Tempo ». Le Poitevin en question était détenteur des sites de partage Fuza.fr et Fan2Zik, deux plateformes hébergées par les serveurs d’OVH et fermées depuis. Le jugement de la Cour du Québec précise d’ailleurs qu’il avait « menti à OVH sur la légalité de ses activités ». « J’espère que ce jugement servira à faire comprendre à ceux qui veulent distribuer les créations de Disques A Tempo sans droit qu’il se heurteront à un mur, puisque ce jugement fera jurisprudence dans notre cas », indique Roger-Luc Chayer. 

En réalité, les procédures de ce type sont exceptionnelles, voire inexistantes en France. « Depuis la mise en place d’Hadopi, en 2009, la répression est graduée dans notre pays, estime Alexandre Baudouin, avocat du cabinet Ten France et spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et des TIC. Une mise en garde est d’abord adressée à la personne qui met en ligne ces fichiers. S’il ne la respecte pas, les titulaires des droits peuvent intenter une action devant les tribunaux. » En presque huit ans, la Haute autorité a adressé plus de 7,5 millions de « premiers avertissements » et 700 000 courriers pour seulement soixante-douze condamnations. 

Développement de l’offre légale

Au-delà des effets d’Hadopi sur le comportement des internautes, la montée en puissance de l’offre légale (Deezer, Spotify…) à des tarifs accessibles a marginalisé les plateformes de piratage. Près de 4 millions de Français ont souscrit un abonnement. Ce qui vaut pour la musique convient d’être relativisé pour les films et autres jeux vidéo. « Tout simplement parce que l’offre n’est pas encore très développée », précise Me Baudouin. La disparition récente d’ExtraTorrent, après la fermeture de KickAss Torrents, What.CD, Torrentz.eu ou Torrenthound, prouve cependant que le « peer to peer » est en voie de marginalisation. 

Pour rappel, les contrevenants s’exposent au pénal à des peines allant jusqu’à 300 000€ et trois ans de prison ferme maximum. « Dans le cas du jugement rendu par la Cour du Québec, la condamnation est rendue par une juridiction civile et indemnise le préjudice subi par le titulaire des droits du fait des téléchargements illégaux réalisés », argue Me Baudouin. Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre Benjamin, mais nos demandes sont restées sans réponse. La question centrale consiste à savoir s’il s’acquittera de son amende et des frais judiciaires…
 

 

Hadopi en question
La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a vu le jour en 2009, sous le quinquennat Sarkozy. Elle a résisté au changement de gouvernance, trois ans plus tard. Mais survivra-t-elle à l’ère Macron ? La question vaut son pesant d’or, tant les sceptiques ne manquent jamais une occasion de remettre en cause son efficacité. D’un point de vue statistique, on ne peut pas leur donner tort. Des avertissements, l’Hadopi en a distribués à la pelle au cours de son dernier « septennat ». Au regard des condamnations réelles, son travail de dissuasion paraît en réalité assez faible. Reste que la Haute autorité a sans doute instillé dans les esprits une nouvelle frontière des interdits et, par ricochet, fait émerger des plateformes légales sur lesquelles les internautes se sont rués. Las… Le piratage représente encore un fléau pour l’industrie du divertissement. Selon le cabinet EY, le préjudice s’élèverait à 1,35Mds€ par an, rien que dans l’Hexagone.

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