Quand le cerveau joue les madeleines de Proust

Savez-vous ce qui se déroule dans votre cerveau lorsque vous mangez ? Roger Gil, professeur émérite de neurologie à l’université de Poitiers, répondra à cette question et à toutes les autres, lors d’une conférence(*) intitulée « Des Papilles au cerveau », qui se tiendra le 3 novembre, à la Hune. Joël Robuchon sera présent.

Florie Doublet

Le7.info

Roger Gil, que signifie le thème de « neuro-gastronomie » ?
« Il s’agit de décoder notre rapport au goût, à travers le fonctionnement du cerveau humain. Lors de la conférence du 3 novembre, les autres intervenants et moi-même allons expliquer ce qui s’y passe lorsqu’un chef conçoit un plat, puis lorsque ce plat est dégusté. »

Les papilles ne sont donc pas les seules à l’origine du goût…
« Absolument ! Elles ne perçoivent finalement que quatre goûts : le sucré, le salé, l’amer et l’acide. C’est extrêmement sommaire. Ce qu’on nomme la « saveur » est en réalité le mélange du goût, de l’olfactif et de la texture. On a longtemps considéré que l’olfaction humaine était totalement atrophiée. C’est faux. Notre « rétro-olfaction » est très développée. Je m’explique. Lorsque nous introduisons de la nourriture dans notre bouche, son « parfum » est identifié par les fosses nasales situées au-dessus de la cavité buccale. Elles jouent un grand rôle ! Qui plus est, nos capacités olfactives sont fortement liées à notre structure émotionnelle. »

En quoi les émotions influent-elles sur notre perception du goût ? «
« Je vais vous parler d’un concept un peu compliqué : l’hominisation. Au tout début de l’humanité, le cerveau « reptilien » assurait les fonctions « vitales » de l’organisme. Se nourrir signifiait survivre. Nous avons évolué, tout comme notre rapport à la nourriture. Et c’est ainsi qu’est né le plaisir de manger, et donc la gastronomie. En un mot, c’est ça l’hominisation : le passage d’émotions primaires à des émotions de plus en plus élaborées. Et on atteint le but de la gastronomie, à savoir cultiver, développer toutes sortes d’émotions. Quand vous commandez un plat au restaurant, c’est parce ce que vous voulez raviver des souvenirs… »

C’est la madeleine de Proust…
« Exactement ! Dans « À la recherche du temps perdu », Marcel Proust ressent d’abord du bien-être en dégustant cette madeleine. C’est seulement après qu’il se remémore sa tante et son enfance. » Quelles peuvent-être les répercussions d’une perte de goût ? « Les lésions cérébrales, comme les traumatismes crâniens, peuvent entraîner une anosmie, la perte de l’odorat. Or, comme nous venons de le voir, l’odorat a un rôle très important dans la perception du goût. Les lésions cérébrales qui influent sur les émotions peuvent, elles, causer une indifférence à la nourriture ou, au contraire, une gloutonnerie qui rappelle des comportements archaïques, car ils ne sont plus régulés par le plaisir. Pour ces personnes, la vie perd de ses couleurs… »

 

Jeudi 3 novembre, à 19h, « Des papilles au cerveau », à La Hune, à Saint-Benoît. Entrée gratuite. Réservation des billets sur www.despapillesaucerveau.com ou sur place en fonction des disponibilités.

(*) Cette conférence organisée par l’IGP Melon du Haut Poitou sera animée par le professeur Roger Gil et le chef cuisinier Joël Robuchon, qui détient le plus grand nombre d’étoiles Michelin. Ils seront accompagnés de la journaliste Véronique Mounier.

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