Le yo-yo des fripes et du fric

Au printemps 2013, la « Bataille des chiffonniers » faisait rage dans la Vienne. Notamment en raison de « l’intrusion » de l’association Agir 36 sur le segment des bornes de collecte de vêtements. Depuis, l’effondrement du marché international a assaini la situation. Explications.

Arnault Varanne

Le7.info

A l’époque, il avait poussé « un vrai coup de gueule » contre l’association castelroussine Agir 36 et ses velléités d’expansion dans la Vienne (cf. n°168). Le temps a passé, la guerre des bornes de recyclage de vêtements s’est apaisée et Laurent Guinebretière a retrouvé son calme. Certes, les « Vêti Box » ont toujours pignon sur rue sur le territoire, mais le marché de la fripe de deuxième main a connu de tels aléas économiques que les grands groupes ont déserté la place. Notamment KFB, à l’époque partenaire d’Agir 36… rémunérée sur le nombre de bornes de collecte installées. « Ce qui s’est passé, c’est que les débouchés se sont effondrés, notamment à l’international, décrypte Laurent Guinebretière, responsable de la communauté Emmaüs de Poitiers. La situation politique au Burkina Faso, en Syrie, en Afghanistan ou dans d’autres pays du Moyen-Orient rend les choses très compliquées. Nous avions déjà connu une situation identique il y a une quinzaine d’années. »

En France, 700 000 tonnes de textiles sont jetées tous les ans. D’où l’émergence de filières de collecte, tri et valorisation. Dans la Vienne, Le Relais(*) a réussi à mettre du liant là où les pratiques avaient tendance à diverger. En 2015, rien que sur Grand Poitiers, soixante-dix bornes portant son estampille ont permis de recueillir 308 tonnes de vêtements. C’est plus de 1000t si l’on inclut tout le département !

Une activité locale

« Globalement, les particuliers ont compris l’intérêt de ne plus jeter leurs vieux pulls ou jeans dans les déchetteries », se félicite Laurent Guinebretière. L’année dernière, à elle seule, Emmaüs Poitiers a trié plus de 350t. Sur ce volume, 50t ont été vendues, soit lors des deux braderies annuelles, soit à la boutique sur cintres et au poids. « Le reste, ce qu’on appelle la crème, est envoyé vers la plateforme textile Trio, à Niort, qui gère 2 400t au total », explique le responsable d’Emmaüs Poitiers. Dont une partie sert à fabriquer des isolants thermiques. La structure génère trente-cinq emplois permanents, avec un important travail d’insertion. A Poitiers, la communauté Emmaüs tire 25% de ses revenus de l’activité vêtements, avec une dizaine de postes à la clé.

Parce que l’équilibre est précaire, la collecte nécessite un vrai travail partenarial entre toutes les associations du territoire. Ce qu’Agir 36 n’avait sans doute pas perçu, au moment de débarquer dans la Vienne, en 2012-2013.

(*) Le Relais fédère plusieurs associations locales, telles que le Secours catholique, le Secours populaire, Valoris Textile, Emmaüs…


Agir 36 partenaire de Valoris Textile
Mise en cause par plusieurs acteurs de la collecte de vêtements, au printemps 2013, l’association d’insertion Agir 36 entretient désormais des relations plus courtoises avec ses homologues de la Vienne. Une vingtaine de bornes estampillées « Vêti Box » sont toujours disponibles, mais leur gestion a été confiée à Valoris Textile, le chantier d’insertion de La Croix-Rouge. « Valoris collecte les vêtements et se sert d’une partie des volumes pour fabriquer notamment des chiffons d’essuyage », témoigne Alice Gomez, responsable de la plateforme de tri d’Agir 36. Inaugurée en octobre 2014, la structure emploie une quarantaine de salariés en insertion et a trié, l’année dernière, l’équivalent de 700 tonnes. « A plus long terme, soit dans les trois ans à venir, notre objectif est de monter jusqu’à 1 500 voire 2 000 tonnes par an », poursuit la salariée. Quant au partenariat avec KFB Solidaire, l’entreprise s’est « retirée du projet ». « Nous gérons désormais notre matière première en complète autonomie… »

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