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Hier
A la porte
« Je suis originaire de Grigny, en région parisienne. A 18 ans, j’ai décidé de partir de chez mon père (sa mère est décédée alors qu’il n’avait que 14 ans, Ndlr) et de prendre un appartement. J’ai échoué à décrocher un BEP hôtellerie-restauration pour 0,30 point. Du coup, j’ai accepté un job de manutentionnaire. Tout allait bien jusqu’à ce que la boîte fasse un licenciement économique. C’est tombé sur moi. Au bout de six mois de loyers impayés, on m’a mis à la porte. Mon père n’a pas voulu que je revienne. J’ai passé un an à Paris, dans la rue, à partir de l’hiver 2012. C’était très dur. Et comme je suis épileptique, mes problèmes de santé n’ont rien arrangé. »
Une vie d’errance
« J’ai rencontré une fille qui a accepté de m’héberger. Plus que de manger à ma faim, j’ai surtout apprécié de prendre une bonne douche. Pendant tout ce temps, je ne suis resté en contact qu’avec mon meilleur ami, connu au lycée. Nous avons décidé de passer un week-end chez la mère de ma copine, à Cloué près de Lusignan. J’ai choisi de ne plus revenir sur Paris. Mais au bout de six mois, je n’avais toujours pas de boulot et on m’a demandé de quitter le logement. Il y avait eu quelques petites tensions… »
En transition
« Sans rien, je suis allé à la Mission locale de Lusignan et j’ai vu une psychologue pour me remettre la tête en place. C’était pesant, car je ne parlais pas et elle non plus. J’ai dû m’ouvrir… On m’a renvoyé vers le 115, mais je savais que je ne tiendrais pas là-bas. C’est là que des conseillers m’ont orienté vers Audacia. J’ai passé un entretien au foyer de Bel- Air, on a parlé de mon histoire avec les éducateurs. Et le 29 janvier 2014, le lendemain de mon anniversaire, ils m’ont dit qu’il y avait une place pour moi. La première impression était bizarre (cf. repères). Dans la chambre, l’armoire était presque fendue en deux, le miroir brisé. Il n’y avait pas d’eau chaude, les douches et les toilettes étaient communs… »
La lente reconstruction
« Finalement, tout s’est bien passé, autant avec les éducateurs qu’avec les autres pensionnaires du foyer. Je me suis senti protégé, en sécurité. Avec Thomas, mon éducateur, on a fait le point sur mes projets et mon passé. J’ai refait tous mes papiers d’identité, j’avais 12 000€ de dettes, de meubles, de billets SNCF, RATP… Un dossier de surendettement a permis d’en effacer certaines. Les autres, je les règle tous les mois. »
Un job sinon rien
« Moi, ce que je voulais, c’était bosser. Au foyer, on m’a proposé de refaire une formation en restauration. J’ai dit : « Pourquoi pas ! » Ça me plaisait vraiment, j’étais même premier de ma classe à la Maison de la Formation. Mais la situation a été difficile au restaurant. Sept mois à faire la plonge et du nettoyage… Et la cheffe me rabaissait tout le temps. Après un accrochage verbal, en février 2015, j’ai décidé d’arrêter. En mai, Ibrahim (Karroum, adjoint au responsable du pôle personnes isolées, Ndlr) m’a informé, avec d’autres, que Kramp cherchait des manutentionnaires dans une boîte de logistique. J’ai passé l’entretien et j’ai été pris en intérim. »
Le bout du tunnel
« Préparateur de commandes, je ne connaissais pas ce métier. Mais j’ai vite été à l’aise. Le 23 décembre dernier, ma cheffe d’équipe m’appelle. Je me suis dit : « Qu’est-ce que j’ai encore fait comme c… ? ». En fait, elle me demande si un CDI m’intéresse. Je lui réponds « Plutôt deux fois qu’une ! ». C’était un très beau cadeau de Noël avant l’heure. Je suis très fier de moi. Ce contrat, il faut que je l’encadre ! Maintenant, j’ai pour projet de prendre un appartement. Ça devrait être possible avant l’été. Là, ce sera le bout du tunnel. Je ne referai pas les mêmes bêtises. J’étais trop dépensier, je voulais tout immédiatement. Pendant ces années de galère, c’est ma mère qui m’a fait tenir. Malgré la maladie, elle n’a jamais lâché. Plus tard, mon but est de ne plus revenir ici (au foyer). Sinon, ce sera une défaite. »
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