Beaulieu, la belle endormie

Nous poursuivons notre tour des quartiers de Poitiers, en déposant nos valises à Beaulieu. Un territoire apprécié pour son cadre verdoyant et reposant, mais également marqué, notamment autour de la zone des Templiers, par une montée progressive de la paupérisation.

Florie Doublet

Le7.info

Verdoyant. Voilà l’adjectif qui qualifie le mieux Beaulieu, d’après ses habitants. Le quartier est très arboré et abrite deux grands parcs où les familles aiment se balader. « On est à la fois à la ville et à la campagne, c’est vraiment agréable », note René Pintureau. Ce propriétaire de la zone pavillonnaire de Beaulieu ne quitterait son nid douillet pour rien aumonde. « Nous disposons de tout l’équipement scolaire nécessaire. Nous sommes entourés de commerces et il y a même une mairie annexe. C’est l’idéal », assure-t-il. René pourrait dresser une liste longue comme le bras des avantages de la vie à Beaulieu. Mais il doit bien l’avouer… « Le quartier se paupérise. La population a évolué et le niveau de vie a baissé. Aujourd’hui, ce sont majoritairement des mères célibataires qui habitent dans les appartements des bailleurs sociaux ».

Selon l’Insee, près de 35% des ménages sont composés de femmes seules sur la zone des Templiers. Ce sont principalement des jeunes de moins de 25 ans (39%) ou des personnes de plus de 65 ans (25%). « Une bonne partie des travailleurs et pauvres, car vivant de temps partiels ou d’intérim », conclut René.

Population hétérogène

Pierrette Réau habite les Templiers depuis 1984. Elle aussi a vu son territoire évoluer. « C’est vrai, la population n’est pas homogène. Depuis quelques années, on voit arriver davantage de familles monoparentales avec enfants. » La part de ces familles atteint 31,7%, un taux comparable à celui des Couronneries. A souligner que 38% de ces familles disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Près de 50% ne sont pas imposables… Malgré tout, Beaulieu attire encore des étudiants, séduits par la proximité du campus et la profusion des lignes de transports en commun. D’ailleurs, une part importante des demandes de logements sociaux émane de jeunes de moins de 25 ans. A l’inverse, la présidente du centre d’animation note que le « quartier pavillonnaire » a plutôt tendance à vieillir. « Ces personnes sont isolées, les structures d’accueil et d’aide vont finir par manquer. »

Manque de dynamisme

Ancienne directrice du centre d’animation, Anne-Marie Chaignon a toujours habité ici. Autant dire qu’elle en connaît un rayon sur l’histoire locale. « A l’époque de la construction des logements HLM, les architectes avaient la volonté de proposer quelque chose de résolument moderne. Les longues barres uniformes n’existent pas à Beaulieu. Les résidences « Modèle Eloi » ont une forme alvéolaire, celles que les enfants surnomment « Les boulons » ressemblent plutôt à des ruches. Les constructions sont variées. De cette façon, les gens n’ont jamais eu la sensation d’habiter un quartier « populaire ». »

Cet urbanisme séduit par certains aspects, mais possède aussi quelques défauts… « Personne n’a pensé à élaborer un véritable centre, un point de rencontres, maugrée Anne-Marie Chaignon. Ce quartier cherche son coeur depuis plus de trente ans. » Une lacune qui empêche la création d’une réelle identité. Pierrette Réau le regrette : « On a du mal à mobiliser les habitants. Il n’existe pas de comité de quartier qui pourrait mettre en place des initiatives. Beaulieu manque de dynamisme. » Tout le monde s’accorde à le dire, la convivialité n’est pas le point fort du quartier. « Au début, il régnait une ambiance très sympa place des Templiers. On se sentait comme dans un village. Peu à peu, cela s’est détérioré. La mixité sociale ne s’est pas faite correctement… », déplore Dany Belot, propriétaire dans la zone pavillonnaire. Le vide-grenier, organisé au mois de juin, réussit néanmoins à rassembler la population. Plusieurs centaines de personnes y participent chaque année. « A part ça… On s’ennuie un peu. » Beaulieu, une belle endormie.

Les chiffres qui comptent
- 129,2... en hectares, la superficie de Beaulieu, l'un des quartiers les plus petits de Poitiers devant les Couronneries.
- 5694... le nombre d'habitants recensés dans le quartier en 2009. On en compte 1817 dans la zone des Templiers, 1656 à Iassi et 2221 à Beaulieu, qui est le sous-quartier le plus peuplé. 
- 41... le nombre de commerces (hors services) que compte le quartier entre Beaulieu avec le Géant Casino, les Templiers et sa place commerciale.
- 5… le nombre d'infrastructures scolaires que compte le quartier : deux écoles maternelles, deux écoles primaires et un collège, France Bloch-Sérazin.

Trois questions pour un quartier


Les commerces de la place des Templiers manquent de visibilité et certains souffrent de la concurrence du magasin Géant. Avez-vous réfléchi à un moyen de redynamiser cette place ? Maryline Plat, boulangère place des Templiers.

« Je dois avouer que nous n'avons pas encore réfléchi à la question. La place est entourée de logements. Aujourd'hui, on ne peut pas faire grand chose… Il faudrait surtout qu'elle soit davantage identifiable par les gens de l'extérieur. Il faudrait indiquer les commerces par des panneaux, des affiches. Ce n'est, selon moi, pas lié au centre commercial Géant, car il était déjà là quand les bâtiments ont été construits et lorsque certains commerces se sont installés. » Louisette Guionnet, membre du conseil de quartier. 

 

La programmation culturelle du centre d'animation est intéressante, mais plutôt tournée vers un public d'initiés. Serait-il possible de proposer des spectacles qui séduisent davantage la population de Beaulieu ? Roland Melin, habitant du quartier depuis 1977.

« Nous ne voulons pas viser une population en particulier. Nous essayons d'attirer tout le monde. Notre offre est très variée, même si nous recevons des financements pour monter des spectacles de danse contemporaine. Bien évidemment, nous nous adressons aussi aux habitants de Beaulieu. Nous les invitons à participer à des événements, comme « Beau lieu territoire imaginaire », au cours desquels nous leur demandons de partager leur regard sur le quartier. Quant à notre programmation, elle est diffusée dans la presse et dans le journal du quartier. » Anne-Marie Lalu, responsable de la programmation du centre d'animation de Beaulieu.

 

Ma fille habite le boulevard Savary depuis cinq ans. Même si les problèmes d'incivilité ne sont pas nouveaux, elle sent que la situation se dégrade. Quotidiennement, elle est confrontée à des bagarres, voire à du trafic de drogue. Que faire pour que les habitants se sentent de nouveaux en sécurité ?  Françoise Rabouin, habitante de Beaulieu. 

« Pour le moment, aucun locataire n'a fait la démarche de pousser la porte de notre antenne pour se plaindre d'insécurité. Mais il est vrai que nos agents d'entretien nous rapportent les doléances des locataires, qui s'inquiètent des rassemblement de jeune place des Templiers. Depuis fin 2013, les halls sont sécurisés par des interphones et des badges, cela évite qu'on ne les squatte. En cas de problèmes, les locataires peuvent contacter notre service de médiation. On se chargera alors de trouver une solution. » Karine Guinard, responsable de l'antenne Logiparc de Beaulieu. 

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