Ils étaient âgés entre 6 mois et 17 ans. Eux, ce sont les enfants juifs déportés vers les camps de la mort, entre 1942 et 1944. Un remarquable travail de cartographie permet aujourd’hui de savoir où ils vivaient en France. Notamment à Poitiers et dans une trentaine d’autres communes de la Vienne.
Yvette Achach, 16 ans. Myriam Bloch, 6 ans. André Brumwazer, 5 ans. Samy Vogel, 12 ans… La liste des prénoms, noms et âges s’égrène à l’infini sur le portail tetrade.huma-num.fr. Entre juillet 1942 et août 1944, 11 450 juifs ont été arrêtés dans l’Hexagone et déportés vers des camps d’extermination. Dans la Vienne, trente et une communes apparaissent sur l’étonnante cartographie réalisée par le professeur d’histoire contemporaine à l’ENS Jean-Luc Pinol, Gérard Foliot et Sabine Zeitoun. Lesquels se sont appuyés sur le Mémorial de la déportation des Juifs de France, de Serge Klarsfeld.
A Poitiers, cinquante-trois jeunes filles et garçons auraient subi la barbarie du régime nazi. À Châtellerault, trois. À Ligugé, six. Et ainsi de suite… « Ils ont d’abord transité par le terrible camp de la route de Limoges, avant d’atterrir à Drancy puis d’être déportés vers Auschwitz et Birkenau », retrace Jean Amand. Le président de « Vienne résistance internement déportation » (Vrid) n’a pas eu connaissance de la cartographie réalisée par l’équipe d’universitaires. Il ne s’en offusque pas. Et pour cause, des liens étroits existent entre les témoignages recueillis sur le site Internet de l’association et les noms dévoilés au grand jour récemment.
Exemple avec Yvette Achache, 16 ans. Comme cinq autres camarades du lycée Victor-Hugo, elle fut « arrachée à son quotidien » pendant le deuxième trimestre de l’année scolaire 1943-1944. Une cérémonie du souvenir avait eu lieu le 26 avril 2005, à l’occasion du 60e anniversaire de la Libération des camps. Et une plaque portant leur nom trône en bonne place au sein de l’établissement.
Soixante-dix ans, déjà…
À l’instar des historiens Jean-Henri Calmon, Marie-Claude Albert et de tant d’autres, Sabine Renard-Darson a beaucoup contribué à perpétuer le devoir de mémoire sur la Seconde Guerre mondiale dans la Vienne. Du descriptif des camps d’internement du département à la mise en lumière de ceux qui ont aidé des enfants juifs, la petite-fille du célèbre résistant Louis-Renard s’est plongée dans l’Histoire avec une volonté de laisser une trace aux générations futures. « C’est important de mettre des noms sur des actions », relate-t-elle. Dommage que les descendants de juifs déportés dans la Vienne ne veuillent pas davantage témoigner.
La rédaction a tenté d’en convaincre quelques-uns, mais il faut croire que le souci de la discrétion et la résurgence de douleurs enfouies l’emportent sur la nécessité de parler. Le rabbin Elie Bloch, Marcelle Valensi, le père Jean Fleury (IV) et les Justes de la Vienne ont tour à tour contribué à « améliorer le quotidien des enfants internés » voire à « sauver des vies », dixit Sabine Renard-Darson. Soixante-dix ans après les dernières rafles, personne n’a oublié. Yvette, Myriam, André, Samy et tous les enfants juifs victimes de la barbarie nazie. Encore fallait-il le rappeler…
Plus d’infos sur tetrade.huma-num.fr et vrid-memorial.com