Saint-Eloi, le renouveau

Poursuite de notre série sur les quartiers de Poitiers avec un zoom sur Saint-Eloi. Ce quartier populaire n’a pas toujours eu bonne presse. Si sa réputation tend aujourd’hui à s’améliorer, c’est en partie grâce à l’énergie de ses habitants.

Florie Doublet

Le7.info

Saint-Eloi jouit d’une situation géographique privilégiée, à deux pas du centre-ville et à quelques minutes de la rocade. Les habitants disposent d’un important parc urbain, « trait d’union entre la ville et la campagne », selon la municipalité. Quant au lycée professionnel Kyoto, il s’agit du premier établissement scolaire d’Europe à fonctionner grâce aux énergies renouvelables. A première vue, Saint-Eloi bénéficie de nombreux atouts. Cependant, sa réputation « sulfureuse » vient ternir ce tableau pastoral. Drogue, insécurité, agressions… Ces mots reviennent régulièrement dans la bouche des Poitevins interrogés. « C’est parce qu’ils n’y habitent pas !, fait remarquer Gilberte Morel, une riveraine. A chaque fait divers, les médias en font leurs gorges chaudes ! Racket, coups de feu, bagarres aux sabres et tutti quanti. C’est totalement démesuré. » Selon les forces de police, le quartier de Saint-Eloi ne pose pas de problèmes particuliers d’insécurité. Les données sur la délinquance doivent être interprétées avec prudence. Par exemple, les menaces n’engendrent pas systématiquement des passages à l’acte. « Il ne faut pas stigmatiser notre quartier, renchérit Gilberte Morel. Il y a davantage d’incivilité que d’insécurité. »

« Apprendre à se connaître »

La secrétaire du comité de quartier condamne « l’intolérance » de certains habitants. Saint-Eloi abrite une multitude d’ethnies. Près de 7% de la population vivant à Saint-Eloi-Fraternité ne possèdent pas la nationalité française. « On sent que certains modes de vie dérangent… Je pense qu’il faut apprendre à se connaître avant de juger. Cela va se faire petit à petit, notamment grâce au travail de la maison de quartier. » Ouvert en décembre 2012, cet établissement connaît un « franc succès », dixit le président de « Saint-Eloi Vivre Ensemble », Eric Lacombe. Ce lieu de rencontre facilite les échanges entre les habitants et favorise l’intégration des nouveaux résidants. L’atelier « Cuisine Et… » permet, par exemple, de partager des recettes de différents pays et en apprendre plus sur les us et coutumes de chaque culture. « Nous avions besoin de cette maison de quartier, affirme Reine Papillon, habitante de Saint-Eloi depuis plus de quinze ans. Nous n’avions pas d’endroit pour nous retrouver, discuter, nous découvrir… Certes, il y a une grande diversité d’origines, mais ce n’est pas parce que noussommes différents que nous ne pouvons pas nous entendre ! »

La pétillante retraitée s’émeut également du manque de commerces de proximité. « Beaucoup de gens font leurs courses à Super U ou au marché des Couronneries. Il faut sortir de Saint-Eloi pour voir du monde, c’est dommage. » Si les habitants sont prompts à souligner la pénurie de commerces, ils savent également mettre en avant les points positifs de leur quartier. Les familles apprécient la présence de deux groupes scolaires (Pablo-Neruda, Micromégas), des lycées privés Kyoto et Saint-Jacques de Compostelle et de la crèche des Coquelicots. La proximité de la forêt de Moulière et la multitude de parcs promettent d’agréables balades dominicales. « Nous vivons dans un quartier où il fait bon vivre, conclut Rémy Bernardeau, surnommé « le maire de Saint-Eloi ». Il faut simplement faire sortir les gens de chez eux et valoriser nos atouts. Nous souhaitons tous que l’image du quartier s’améliore. » Ça en prend le chemin…

Quid du Breuil-Mingot

D’un point de vue purement administratif, le Breuil-Mingot est rattaché à Saint-Eloi. Pourtant, les habitants de cette zone pavillonnaire assurent n’avoir rien en commun avec ce quartier. « C’est une question d’identité… La population n’est pas la même », assure le comité de quartier. C’est un fait, l’Insee décrit le Breuil-Mingot comme un « quartier familial et âgé, où se concentrent les CSP+ et les retraités ». Le taux de propriétaires y est le plus fort de la ville (81%). A l’inverse, les habitants de Saint-Eloi sont plutôt issus de milieux modestes et sont majoritairement locataires (25% de propriétaires). « C’est évident, nous n’avons pas les mêmes niveaux social, culturel et économique », assurent les membres du comité de quartier de Saint-Eloi. Au Breuil-Mingot, le taux de personnes d’origine étrangère n’atteint pas 1%.

Trois questions pour un quartier

 

> Les tensions entre les différentes cultures sont palpables à Saint-Eloi. Le problème d'insécurité est-il définitivement réglé ? William Ingrand, habitant du quartier depuis quatorze ans. 

Jean-François Papineau, directeur de la Sécurité publique : « Non, il faut toujours rester vigilant. Cependant, nous constatons un retour au calme depuis près de deux ans. En 2011, le quartier a fait face à plusieurs épisodes de violence. Des jeunes se défiaient et s'affrontaient pour s'approprier le territoire. La police a procédé à plusieurs interpellations et ces individus ont été condamnés. Saint-Eloi est aujourd'hui un quartier qui ne pose pas de difficultés particulières. La situation est comparable à celle d'autres quartiers de Poitiers. »


 

> Les priorités à droite sont très dangereuses… On constate beaucoup d'accrochage. Pourrait-on les supprimer ? Mathieu, habitant de Saint-Eloi depuis cinq ans. 

Service de communication de la Ville : « Effectivement, nous avons été mis au courant de ce problème par les habitants de Saint-Eloi. Un ingénieur s'est rendu sur place pour évaluer les risques d'accrochage. Cependant, les priorités à droite sont un moyen efficace pour lutter contre la vitesse excessive. Pour le moment, nous n'envisageons pas de les supprimer, mais on peut étudier la question au cas par cas. »

 

 

> Le PB86 joue régulièrement au complexe de Saint-Eloi. Serait-ce possible d'envisager des manifestations avec les jeunes du quartier ? Isabelle Franco, présidente du comité de quartier de Saint-Eloi. 

Maud Kergoat, salariée du PB86 : « Il y a quelques années, nous avions participé à un projet, initié par l’association Saint-Eloi Vivre ensemble. Une photographe (Ndlr : Catherine Ascin) était venue à la salle pour réaliser des portraits de Kenny Younger, dans le cadre d’une expo sur les habitants du quartier. Si nous sommes à nouveau sollicités, nous répondrons favorablement aux demandes du comité de quartier. »

Les chiffres qui comptent
· 1172… en hectares, la superficie de Saint-Eloi/Breuil-Mingot. Ce qui en fait le plus grand quartier de Poitiers.
· 7,737… le nombre d'habitants recensés, à Saint-Eloi, en 2009. L'Insee a découpé le quartier en zones : Touffenet (321 habitants),  Le Breuil-Mingot (851 habitants), Saint-Eloi-Mandela ( 3705 habitants) et Saint-Eloi-Fraternité (2890 habitants). Mais ce chiffre évolue, car le quartier est en perpétuelle expansion.
· 5… le nombre des commerces (hors services) du quartier. On peut citer Super U, les deux boulangeries, le bar-tabac…
· 28,6%…de la population du Breuil-Mingot est âgée de plus de 60 ans. A Saint-Eloi (Fraternité et Mandela), 26,6% des habitants ont moins de 19 ans. 

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