Couronneries, territoire cosmopolite

Deuxième volet de notre série sur les quartiers de Poitiers. Après la Gibauderie, place aux Couronneries. Ce territoire «ramassé» est caractérisé par la concentration de familles étrangères en difficultés économiques et sociales. Des difficultés que tous les acteurs tentent de résorber.

Florie Doublet

Le7.info

Lorsqu’on évoque les Couronneries, on pense immédiatement à cet alignement de grandes tours HLM qui barrent l’horizon. C’est un fait, l’habitat social représente près de 70% de l’ensemble des logements du quartier. Derrière les portes des appartements, de nombreuses familles monoparentales vivent avec de faibles revenus. L’Insee les appelle les « sédentaires captifs ». Faute de moyens, ils sont condamnés à rester dans le quartier. Près de la moitié des ménages y habite depuis plus de dix ans.

Ces familles en situation précaire sont souvent d’origine étrangère. Les Couronneries accueillent 17% d’immigrés. « Nous avons dénombré vingt-six nationalités différentes, détaille Marc Rouard, vice-président du conseil de quartier. Il n’y a qu’à se promener dans les rues pour le constater. » Cette population est fortement touchée par le chômage : les 15-25 ans représentent 24,4% des personnes sans-emploi. « Une situation préoccupante », dixit Pierre Dugontier, directeur de la Mission locale d’insertion du Poitou. Depuis avril 2011, un conseiller d’insertion professionnelle oeuvre spécifiquement sur le quartier, pour tenter de trouver des solutions à plus ou moins long terme. L’année dernière, Aymeric Chapelon a aidé cent vingt-cinq jeunes à retrouver le chemin de l’emploi. « Je touche un public faiblement qualifié. Certains ne maîtrisent même pas la langue », affirme-t-il.

« Ghetto scolaire »

De multiples freins empêchent ces chômeurs de (re)trouver un travail. D’abord, le décrochage scolaire est une réalité : 25% des plus de 15 ans ne possèdent aucun diplôme. Pourtant, les infrastructures ne manquent pas. Il existe trois écoles maternelles et élémentaires, ainsi qu’un lycée. « On peut parler de ghetto scolaire, les enfants sont tous de nationalités différentes et leurs difficultés ne sont pas appréhendées correctement. Il faudrait davantage de mixité sociale dans les classes. » Ensuite, les jeunes ne connaissent pas le monde de l’entreprise et n’en comprennent pas les codes. Enfin, ils ont une vision étriquée de leur avenir. « Beaucoup ne parlent que de « business », soupire Aymeric. Ils s’imaginent garagistes, réparateurs de téléphones ou vendeurs sur le marché. »

Le directeur de la Mission locale souhaiterait que les bailleurs sociaux mettent à la disposition des petites entreprises poitevines leurs locaux vides pour qu’elles puissent s’y implanter. « C’est important de montrer aux jeunes qu’il existe d’autres horizons. Le quartier ne se délimite pas à Super U et au marché. » L’air de rien, le plus grand marché de la Vienne joue un rôle important. On y vient de tout Poitiers. Les différentes catégories sociales s’y côtoient chaque dimanche matin. On trouve des tissus bariolés, des vêtements, mais aussi des produits d’alimentation très divers. Les passants parlent d’un « lieu emblématique » où il fait bon flâner. « Certaines familles étrangères qui arrivent sur Poitiers demandent à être logées aux Couronneries, parce qu’elles savent qu’elles trouveront au marché des fruits, des légumes et plats de leur pays d’origine », assure Marc Rouard.

Insertion progressive

La MJC Aliénor d’Aquitaine travaille constamment à l’insertion de ces familles. Son directeur, Christian Frossard, aimerait que les médias cessent de noircir le tableau. « Le quotidien est agréable aux Couronneries ! Certes, le niveau de vie de la population est faible, mais des efforts sont réalisés pour que les relations de voisinage se passent au mieux. » Exemple concret avec les soirées « Ciné-Métis ». Chaque mois, ou presque, des films d’auteurs venus des quatre coins du monde sont projetés au Carré Bleu. Ces séances rassemblent un public divers et cosmopolite. A l’image des Couronneries…

 

Les projets qui comptent

> La réhabilitation du parc locatif
SIPEA, Logiparc et Habitat 86 se sont conjointement lancés dans des travaux de réhabilitation de grande ampleur du parc locatif. En tout, près de 100 000 logements sont concernés, rue de Provence, avenues de Bretagne et Schuman, entre autres. Les chantiers, déjà engagés pour certains, devraient s’achever en 2017, pour un coût total de 86M€.

> Un second City Stade
Il existe déjà un City Stade, situé près de l’école Andersen. Un deuxième équipement est en projet autour des rues de Bourgogne et de Slovénie. Les habitants sont actuellement invités à participer aux réunions de concertation pour apporter leurs idées. Cette nouvelle aire de loisirs pourrait, par exemple, contenir des tables d’échec ou un terrain de football.

Trois questions pour un quartier


« Depuis plusieurs mois, un groupe de personnes en étant d'ébriété avancée trouble l'ordre public aux alentours du U Express. Comment régler ce problème ? » Catherine Dezerce, propriétaire d'un magasin de prêt-à-porter, place de Provence.

 

Jean-François Papineau, Directeur départemental de la Sécurité publique : « Les forces de l'ordre ont en effet été interpellées sur cette question et un dispositif a été mis en place pour entraver ce problème. Mais l'action de la police doit se borner aux limites imposées par le droit. Je comprends la crainte des riverains, mais une simple attitude « insécurisante », si elle ne relève pas d'un délit ou d'une infraction, ne peut justifier une intervention policière. C'est un sentiment abstrait. Et nous  pouvons contraindre un individu uniquement sur des faits concrets. Il faut distinguer comportements dérangeant et agressif. Cependant, je le répète : un dispositif spécial a été mis en place. Nous chercherons à nous montrer plus dissuasifs et plus stricts, par une présence constante et soutenue. »

 

 

> « On croise de plus en plus de mères « roms », accompagnées d'enfants non scolarisés. Les autres quartiers de Poitiers sont-ils confrontés au même phénomène ? » Christiane Curci, membre du conseil de quartier. 

 

Mélanie, bénévole au sein du collectif « Rom Europe 86 » : « La plupart de ces familles « roms » sont installées à Poitiers depuis près de dix ans. Vous les croisiez peut-être tous les jours, sans que cela ne vous interpelle. Sur décision des pouvoirs publics, et pour favoriser leur intégration, elles ont profité d'une aide au logement, d'un parcours d'intégration professionnelle... Elles ont pu scolariser leurs enfants et se mêler à la population. Cet accompagnement social a été brutalement arrêté en début d'année. Pôle Emploi s'est désengagé et les contrats de travail ont été arrêtés. Certains parents n'ont pas d'autre solution que de se remettre à faire la manche en attendant. Les enfants les plus âgés doivent donc garder les plus petits et ne peuvent plus aller à l'école. Les habitants du quartier des Couronneries en voient malheureusement les premiers effets concrets… »

 

 

> « La circulation sur la rocade des Couronneries est de plus en plus compliquée depuis que les chicanes dédiées au stationnement des bus, lors de la montée et la descente des passagers, ont été été supprimées. Comment remédier à cette situation ? » Gérard Maury, habitant des Couronneries depuis plus de soixante ans. 

 

Eliane Rousseau, élue en charge de la Voirie. « Vous savez que Grand Poitiers déploie actuellement un réseau de bus à haut niveau de service. Désormais, les couloirs de bus doivent être entièrement de plain-pied pour faciliter l'accès aux personnes à mobilité réduite. Les rebords des chicanes ne répondaient pas à cette obligation et ont donc été supprimés. Le BHNS doit également disposer de sa propre voie de circulation. Effectivement, les voitures se contentent d'une seule voie au lieu de deux sur la rocade. Il faut s'armer de patience… La concertation préalable sur le réseau BHNS est close, mais vous pouvez continuer à formuler vos observations ou questions aux services de Grand Poitiers. »

Les chiffres qui comptent
· 111,0… en hectares, la superficie des Couronneries. Ce qui en fait le plus petit quartier de Poitiers, juste devant Beaulieu !
· 8823… le nombre d'habitants recensés, aux Couronneries, en 2009. L'Insee a découpé le quartier en zones : Couronneries-Europe (3302 habitants),  Couronneries-Nimègue (2537 habitants), Provence (1694 habitants) et Aliénor-d'Aquitaine (1290 habitants).
· 14… le nombre des commerces (hors services) du quartier. On peut citer l'emblématique U Express, la boulangerie Banette, l'opticien Krys, le bar-tabac…
· 32%…de la population est âgée de moins de 25 ans. Et 25% des habitants ont plus de 60 ans. 

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