La vitamine K dope la recherche poitevine

On connaissait les effets coagulants de la vitamine K sur le sang. Des chercheurs poitevins viennent de découvrir qu’elle régulait aussi l’activité des cellules souches du cerveau et pourrait être impliquée dans des maladies neuro-dégénératives, telles qu’Alzheimer.

Romain Mudrak

Le7.info

Karl Dam et Edward Doisy ont dû se retourner dans leur tombe en apprenant la nouvelle. En 1943, ces deux chercheurs ont décroché le prix Nobel de médecine et de physiologie, en identifiant l’action sur le sang d’une vitamine baptisée « K », pour « Koagulation », en allemand dans le texte. Depuis, tous les plus grands laboratoires du monde se sont attachés à préciser la nature de cet impact. Pour la plupart des scientifiques, il était inconcevable que le cerveau, préservé par une membrane de tout contact direct avec le sang, soit influencé par la vitamine K. Seule une équipe poitevine a tenté le pari en 2005 : l’Institut de physiologie et biologie cellulaire (Unité mixte Université/CNRS) : « J’y ai cru, même si d’autres pensaient que nous perdions notre temps », commente le Pr Omar Benzakour, à l’origine du projet. Cinq ans de travaux, dans l’omerta la plus complète, ont finalement abouti à un succès retentissant : contrairement à toute attente, la vitamine K régule la prolifération des cellules souches du cerveau. Victoire.

Perspectives énormes

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Une collaboration avec Valérie Coronas, professeur en neurosciences à l’université de Poitiers, a permis d’identifier précisé- ment les «facteurs dépendants» à la vitamine K présents dans le cerveau. La protéine  « Seattle » et son antagoniste  « Gas-6 » sont pointées du doigt. Bingo ! Les portes du magazine scientifique de référence «Stem Cells» s’ouvrent enfin au Pr Benzakour. Fin mars, en Grèce, il est invité au Congrès international des vitamines. Pour lui, c’est la fin d’une traversée du désert. Les subventions affluent, de l’Europe notamment (voir encadré).
Cette découverte offre des perspectives énormes. La vitamine K pourrait limiter l’expansion des métastases et donc des cancers. À l’inverse, favoriser la prolifération des cellules souches grâce à son inhibiteur freinerait la dégénérescence des neurones en cause dans plusieurs maladies de type Alzheimer et Parkinson. « La vitamine K est naturelle(*) et bien connue. Elle ne présente aucune toxicité. Le développe-ment de médicaments devrait prendre moins de temps », conclut le Pr Benzakour. Du côté des patients, l’espoir grandit. (*)

*La vitamine K est présente surtout dans le brocoli, chou vert, laitue, cresson, persil, huile de colza, huile de soja, épinard, chou de Bruxelles.

 

Dégénérescence rétinienne, cancer des poumons...

Omar Benzakour ne s’est pas limité à l’impact de la vitamine K sur le cerveau. En partenariat avec des universités en Israël, Espagne, Angleterre et Norvège, il va chercher à démontrer que d’autres zones du corps humain, préservées d’un contact direct avec le sang, contiennent aussi des facteurs dépendants à la vitamine K. Le professeur est ainsi
convaincu que cette protéine miraculeuse pourrait lutter contre la dégradation de la spermatogenèse et la dégénérescence rétinienne. Un syndrome sans traitement connu. L’association Rétina France a déjà versé deux subventions importantes à l’institut poitevin. L’Union européenne lui a attribué 231 000€. La Ligue contre le cancer a également investi plusieurs dizaines de milliers d’euros. Pourquoi ? Ces recherches pourraient ralentir la formation des cancers, dont celui du poumon. Sur ce point, un brevet a été déposé.

 

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